Croisade anti-Linky

Il ne se passe pas une journée sans que les médias ne se fassent le relais de la fronde anti Linky. Ainsi la Voix du Nord de mardi 12 juin relate une réunion à Guesnain à l’issue de laquelle la maire Lucas a déclaré « vouloir répondre aux inquiétudes de ses administrés » et faire voter le soir même en conseil municipal une résolution « pour demander à Enedis que la décision de chacun soit respectée »

Comme la commune de Guesnain est affiliée au groupe communiste de la CAD avec Flines et que leurs mairesses se côtoient, que les motions diverses votées en conseil municipal de Flines témoignent souvent d’un altruisme opportuniste et sans conséquence (déclarations de principe généreuses qui n’engagent pas à grand-chose mais peuvent ressembler à un brevet d’Humanisme), il ne serait pas étonnant de voir apparaître une mention anti-linky à l’ordre du jour d’une prochaine séance du conseil des édiles flinois.

Autant prendre les devants et rappeler quelques faits, quitte à décourager la démagogie facile.

En gros, il est reproché à Enedis de forcer la main de ses abonnés en installant des compteurs communicants (Linky est le nom d’un modèle de compteur communicant). Ceux-ci collectent des paramètres comme la puissance consommée instantanée et l’heure et les envoient automatiquement à un centre Enedis qui agrège les données. De plus le Linky émettant des ondes, il est proposé de décréter, en vertu du principe de précaution, un moratoire en attendant que les scientifiques aient épuisé tous les motifs de querelle et pris une position. Si on en juge par la pantomime sur le Glyphosate qui dure depuis des années, cela pourrait prendre un temps certain.

France 2 a consacré mercredi 13 juin  un reportage « d’Envoyé spécial » au Linky. Les opposants font valoir qu’en analysant les données, Enedis peut connaître pour chaque foyer les heures de présence au domicile, supputer les activités en fonction de la puissance instantanée utilisée (préparation des repas, télévision, utilisation de l’électroménager, etc.) et d’autres interprétations encore, ce qui constituerait une grave atteinte à la vie privée. Ils ajoutent également que l’innocuité des ondes émises par le Linky sur la santé humaine n’est pas démontrée de manière définitive.

Au risque de décevoir des lecteurs déjà émoustillés par le début de ce billet et attendant un sanglant démenti : tout ceci est vrai ! Mais j’ajouterai : et alors !

Quand à défendre farouchement sa vie privée, autant le faire rationnellement et consciencieusement. Se contenter de refuser le Linky n’est qu’une escarmouche : pour reprendre le contrôle de vos données vous devriez :

-       Vous passer de Smartphone. La plupart sont exploités sous Androïd, système mis gracieusement à disposition par Google. Généralement vous autorisez la géolocalisation qui piste chacun de vos déplacements et les consigne ad vitam aeternam avec le reste de vos données si généreusement fournies. Je ne parle même pas de vos déplacements guidés par GPS via Waze ou Google Maps (des filiales)

-       Vous passer d’internet pour la raison évoquée ci-dessus concernant le gentil représentant en aspirateur dont le moteur de recherche est leader et qui siphonne tout ce qu’il peut des requêtes, pour revendre les données à des publicitaires. Comme vous avez certainement une adresse mél gratuite en @gmail, il croise votre carnet d’adresses avec vos géolocalisations et utilisation GPS. Il est possible de savoir où vous êtes allé, qui vous avez rencontré et, si vous êtes sur un même réseau social, d’avoir une bonne idée du motif de la rencontre.

-       Ne plus régler vos achats par carte de crédits dans les supermarchés. Un reportage « d’Envoyé spécial » avait jadis été consacré au « marketing par datamining » (études de marché par exploitation des données). Une société spécialisée dans ce genre d’études expliquait qu’en analysant les tickets de caisses d’un magasin, reliés à des coordonnées bancaires, elle pouvait déterminer, par exemple, qu’une cliente était nouvellement enceinte : plus d’achat récurent de protections périodiques et achat d’un test de grossesse.

-       Détruire vos cartes de fidélité qui permettent aux magasins de savoir, par exemple, que vous groupez vos principales dépenses à telle période du mois, ce qui les incitent à vous abreuver des publicités ciblées les plus alléchantes à la période fatidique.

-       Vous retirer de Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux qui enregistrent consciencieusement les moindres clics, les vendent à qui en veut et ne savent même pas, si on en juge les récentes polémiques, les protéger efficacement et se les font voler. Par ailleurs, les réseaux sociaux  croisent les centres d’intérêt communs de vos contacts (carnet d’adresses téléphoniques, e-mails, amis,…) qui alimentent aussi leurs banques de données.

Quant à appliquer le principe de précaution au sujet des ondes électromagnétiques, là encore "Fi ! de la tiédeur" : vous avez déjà jeté votre Smartphone sous  Androïd, joignez-y votre tablette (sous Androïd aussi), votre ordinateur, votre téléviseur et bien sûr la box qui réunit tout ça  par Wi-Fi. Ajoutez la table de cuisson à induction et le four à micro-ondes pour faire bonne mesure.  Ces instruments démoniaques fonctionnent tous à l’électricité et émettent peu ou prou des ondes électromagnétiques.

Pour terminer, il faut rappeler que le compteur électrique, comme le compteur de gaz et le compteur d’eau appartiennent très souvent aux fournisseurs qui les louent à l’abonné (relire vos contrats). Le fournisseur est donc libre d’installer ce qu’il veut. Si l’abonné ne souhaite pas être équipé  de compteur Linky, il peut sans doute renégocier un contrat différent du contrat-type où il mettrait à disposition d’Enedis un compteur lui appartenant. Bien entendu il endosserait alors toutes les responsabilités afférentes en matière de dépannage et de vérifications périodiques obligatoires du compteur.

La campagne de remplacement systématique des compteurs d’électricité par des Linky n’a pas encore démarré sur Flines : je prends les paris concernant une prochaine motion anti-Linky au conseil municipal.