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L'observateur Flinois
7 mars 2023

Allo ? A l’eau !

Fin d’hiver 2022 et déjà on parle d’arrêtés préfectoraux « sécheresse » dans certains départements. Il s’agit de réguler les usages et la consommation de l’eau.

Après une année 2022 caniculaire où des records de température ont été atteints et où retenues d’eau et cours d’eau ont affiché aussi des records de niveau bas, notre pays a souffert d’une sécheresse hivernale inédite (30 jours consécutifs sans précipitations) Traditionnellement, dans notre climat encore décrit comme tempéré dans les cours de géographie à l’école primaire, l’automne et l’hiver sont des saisons humides : les pluies abondantes ne sont pas absorbées par la végétation en dormance, s’écoulent dans les cours d’eau et s’infiltrent dans le sol pour recharger les nappes phréatiques.

Sur les précipitations d’une année (500 milliards de m3»), 61% s’évapore (dont une partie par le phénomène d’évapotranspiration dû au cycle des plantes), 23% alimente les nappes phréatiques et 16% alimente les cours d’eau.

Les réserves souterraines des nappes servent ensuite à soutenir le débit des cours d’eau et par pompage à alimenter bien souvent les consommations humaines tant domestique qu’agricole ou industrielle.

La température moyenne augmente, faisant grimper les phénomènes d’évaporation et évapotranspiration de la végétation et les pluies diminuent faisant décroître l’alimentation des nappes phréatiques et des cours d’eau. Il y a un effet ciseau qui doit nous interpeler sur les usages de l’eau.

34 milliards de m3 d’eau seraient prélevés chaque année pour satisfaire les activités humaines : 81% en eaux de surface et 19% en eaux souterraines. Après le traitement des eaux usées, il y a 28 milliards de m3 d’eau restitués au milieu naturel.

En France, ce sont les communes qui sont responsables de la distribution de l’eau potable. Elles peuvent encore pour l’instant le faire seule, s’associer dans des syndicats intercommunaux (ces deux occurrences représentent 69 % des cas) ou faire une délégation de service public à une entreprise privée (Véolia essentiellement qui a absorbé Suez en 2022 ou SAUR) dans 31 % des cas

Selon les dernières statistiques officielles, en 2019, il reste en France 11575 services publics de l’eau potable (chiffre en diminution car en 10 ans 2642 régies communales ou petits syndicats intercommunaux ont fusionnés pour grossir et atteindre une masse critique)

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, (plus connue sous son acronyme loi NOTRé) imposait le transfert de la compétence « eau » aux Communautés d’Agglomération (agglo) ou de Communes (com.com) au 1er janvier 2020. Une loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences « eau et assainissement » aux communautés de communes a repoussé cette limite au 1er janvier 2026. En effet, les maires des communes rurales surreprésentés au Sénat ont fait un intense lobbying pour repousser la date butoir.

Le journal le Monde publie ces jours-ci un article « L’eau, enjeu de bataille pour les conseils municipaux : « Le transfert de l’eau, c’est la mort de ma commune » »

Cet article permet de comprendre un peu mieux les raisons de la résistance des maires ruraux. On peut lire dans les témoignages « Le transfert de l’eau, c’est la mort de ma commune », juge Éric Masoyé, maire sans étiquette de Vy-lès-Rupt (Haute-Saône), 97 habitants…. Il me reste l’eau, les forêts et les emmerdes. On vide la substance de nos communes » - « Jean-Philippe Gimenez, maire de Faymont (Haute-Saône), 264 habitants, a déjà perdu la « compétence eau » et considère s’être « fait avoir »… « Si on n’est là que pour le cimetière et la divagation des chiens, ça sert à quoi d’être maire ? » - « Dans les milieux très ruraux, il existe un bénévolat naturel, explique Patrice Colinet, maire de Champlitte (Haute-Saône). Quand une bouche d’égout déconne, le maire intervient avec son tracteur. » Lui gère l’eau en direct, et considère que c’est très bien ainsi. « Souplesse, réactivité, c’est le propre des petites structures, justifie M. Colinet. » 

Derrière les réticences de ces élus, il y a souvent une justification électoraliste de mise à disposition des habitants d'une eau à bas prix, quitte à subventionner le déficit avec les revenus d’une autre ressource communale. « Le prix de l’eau, « c’est politique », note Guillaume Royer, le directeur général des services de la « comcom » Val de Gray.  Certains maires se vantent d’avoir l’eau la moins chère du département, mais ils ne font pas forcément les investissements, précise-t-il. Certains baissent même le prix avant les élections. Passer à l’intercommunalité permet de dépolitiser. » et c’est bien ce qui dérange certains sénateurs. « Alain Joyandet veut « faire sauter 2026 » et rendre le transfert facultatif. « Le vrai problème de fond, dit-il, c’est la liberté des élus locaux de décider de ce qu’ils ont envie de faire sur leur territoire. Quand ça fonctionne bien avec une commune qui gère son eau à 2 euros le mètre cube, pourquoi casser ce système ? »

Alors que l’eau s’invite brutalement dans notre vie quotidienne, que des collectivités locales gèlent l’attribution de nouveaux permis de construire des habitations car la ressource ne permettrait pas de garantir leurs approvisionnements en eau potable, il est totalement affligeant de constater de tels comportement d’arrière-garde.

Certes les maires ruraux constituent une base électorale fiable de la majorité sénatoriale actuelle (Les Républicains et Centre droit UDI) mais le bon sens devrait quand même l’emporter. Le comportement des maires arcboutés à la petite parcelle de pouvoir « eau » me rappelle celui du désespéré qui s’est jeté dans le vide du cinquantième étage et qui dit au niveau du vingtième : « Jusqu’ici tout va bien »

La ressource globale (pluie et neige) diminue depuis 20 ans. La sobriété va devoir devenir la norme. Il va falloir investir pour mieux gérer l’eau, mieux la distribuer et organiser la mutualisation en créant des artères capables de transférer de l’eau des points d’abondance vers les points en déficit. Tout ceci va demander des investissements importants que des communes isolées ne pourront pas supporter.

Le problème n’est pas la perte de pouvoir des maires de micro communes mais l’existence de telles petites collectivités sans moyens mais avec des bulletins de vote pour les sénatoriales où ils sont surreprésentés. La France, avec ses 35 000 communes représente plus de 40 % des communes de l’UE. Peut-être y–a-t-il une réduction efficiente à opérer ?

Environ 20% de l’eau potable injectée dans les canalisations se perd à cause des fuites. Certains maires ruraux qui n’entretiennent pas leurs réseaux d’adduction pour ne pas devoir augmenter le prix de l’eau, prétendent que ce n’est pas grave car elle retourne dans la nappe phréatique. Ils oublient qu’ils ont capté et potabilisé parfois jusqu’à 40% de volume en trop, ce qui a un coût et que c’est une attitude de riche qui ne manque pas de ressource et peut gaspiller

Le Nord et le Pas-de-Calais, départements qui comportent des parties assez démunies en ressources d'eau, sont plutôt bons élèves car selon les statistiques 2021 il ne reste que 38 communes qui gérent leur eau en régie communale. La plus grande a 21 000 habitants, 6 ont moins de 3000 et les autres moins de 500 A côté,  56 communautés d’agglo ou de communes et syndicats intercommunaux administrent le reste des deux territoires.

Notons pour finir que les compteurs d’eau de la meilleure classe d’exactitude délivrent une indication en service à +/- 4%. Par comparaison, les hydrocarbures sont vendus avec des compteurs qui comptent à +/-0,5% soit 8 fois plus précis.

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