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L'observateur Flinois
12 juillet 2023

Effet boomerang

Début juillet, des émeutes menées essentiellement par des adolescents et des jeunes adultes ont conduit à la destruction de centaines de bâtiments publics et occasionné des dégâts évalués à 650 millions d’Euros.

Le fait générateur étant la mort d’un jeune de 17 ans, après une course poursuite avec des motards de la police à Nanterre, le jeune Nahel étant au volant d’une voiture sportive, les prétextes  invoqués au début pour justifier les émeutes étaient « les violences policières » et la « vengeance. »

Le jeune Adama Traoré avait trouvé la mort le 19 juillet 2016, à la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise (Val d'Oise), après une « arrestation musclée ». L’instruction est toujours en cours, une féroce bataille d’expertises médico-légales contradictoires n’étant pas terminée sur un éventuel lien entre les causes de la mort et les modalités de l’arrestation. La famille Traoré "exige la justice" et manifeste régulièrement contre les violences policières.

La sœur, Assa Traoré, avait fort opportunément déposé une demande d’autorisation à manifester le 8 juillet à Persan-Beaumont « comme chaque année », sans (naïvement ?) tenir compte du contexte inflammable.des émeutes mal éteintes.

Vu ce contexte, la préfecture a refusé l’autorisation et le Comité Adama a dans la foulée été débouté en justice : l’interdiction préfectorale a été confirmée. Faisant semblant de prendre acte, Mme Traoré a alors indiqué qu’elle serait présente samedi 8 juillet à 15 h place de la République à Paris en mémoire à son frère, sans appeler explicitement à manifester (faux-nez grossier !)

Les mêmes causes appelant aux mêmes effets, la Préfecture de police de Paris avait interdit ce rassemblement en raison de « risques de troubles à l’ordre public ». Près de 2000 « passants anonymes » ou « chalands lambdas faisant leurs emplettes » se sont trouvés fortuitement au même endroit et au même moment que Mme Traoré, dont des députés Europe Écologie les Verts et La France Insoumises, certains écharpe tricolore en bandoulière à côté des meneurs [selon la presse, les députés Eric Coquerel et Louis Boyard, portaient leur écharpe tricolore, comme Sandrine Rousseau et Aurélien Taché (EELV)].

Toujours selon la presse, « Les trois groupes de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale ont appelé, mardi 11 juillet, la présidente de l’institution à sanctionner les députés de gauche ayant participé au rassemblement interdit en mémoire d’Adama Traoré. »

Il y a peu de chance que ces demandes prospèrent, les faits ayant été commis en dehors de l’Assemblée nationale.

Les réponses des groupes de la NUPES à ces demandes sont édifiantes : « Éric Coquerel et les élus de gauche accusent la majorité présidentielle de vouloir « limiter l’exercice du mandat et la liberté d’expression d’un député de l’opposition protégé par l’article 26 de la constitution ». Un avis partagé par le député LFI Paul Vannier qui dénonce une majorité bafouant « la démocratie et l’une de ses libertés fondamentales : le droit de manifester ».

Envisageons la situation sous un autre angle.

Il me semble que les députés peuvent effectivement manifester pour soutenir les causes qu’ils souhaitent, même si ces rassemblements sont interdits. Ils le font alors en tant que citoyens ou militants politiques, avec les risques inhérents à cette condition mais ne peuvent chercher à s’abriter en même temps (expression honnie) sous la protection de leurs mandats en exhibant les signes de ceux–ci. Plus clairement il est scandaleux de voir des députés ceints de leur écharpe tricolores à côté des meneurs d'une manifestation interdite et de manifestants scandant « Tout le monde déteste la police »

Cette attitude tombe sous le coup du règlement de l’Assemblée nationale qui stipule : « Il ressort de l'article 160 du règlement de l'Assemblée nationale que : « 1 Des insignes peuvent être portés par les députés, lorsqu'ils sont en mission, dans les cérémonies publiques et en toutes circonstances où ils ont à faire connaître leur qualité. »

Il est douteux que des rassemblements interdits par la préfecture de police soient assimilés à des cérémonies publiques ou à des évènements où les députés ont à faire connaître leur qualité (et surtout leur immunité !). En extrapolant par l'absurde : est-ce que braquer une banque pour financer des actions de son programme électoral, en arborant son écharpe d'élu, exonèrerait le braqueur de poursuites au titre de l'immunité parlementaire ?

De même, la prévarication est l’action de manquer à son devoir, aux obligations de sa charge, de s'écarter de la justice, de manquer à ses obligations.

Le port des signes distinctifs d’élus de la République dans une manifestation interdite relève pour moi de la prévarication, mais malheureusement, celle-ci n’est pas reprise dans le code pénal. La remarque du député socialiste Arthur Delaporte fustigeant des sanctions de la part du Bureau de l’assemblée car « l’Assemblée se substituerait à la justice et là c’est extrêmement grave » est inopérante, la justice ne sanctionnant pas la prévarication morale, seulement la concussion quand des conséquences financières en découlent.

Les députés Insoumis, sans doute grisés par le choix de « leur marque » par Mélenchon (au sens marketing du terme) s’autorisent toutes les outrances : tenues négligées à l’Assemblée, vociférations, insinuations, obstructions grossières en séance et cris d’orfraies quand on leur rend la pareille, contre-vérités brandies, procès d’intention systématiques, attitude ambigüe lors des émeutes, etc.

Ils commettent à mon sens une énorme erreur. Toutes les digues de savoir-vivre ensemble qu’ils font sauter avec désinvolture au prétexte de leur « insoumission absolue » conforte dans un premier temps le jeu d'une majorité silencieuse qui aspire à l’ordre et lorgne de plus en plus à droite. Il suffit de constater le raidissement droitier des Républicains qui essaient de surfer la vague vers l’extrême droite.

Même si cette analyse était erronée (et je le souhaite) et que la France Insoumise arrivait au pouvoir (heureusement, le pire n’est jamais certain) avec ces méthodes, celles-ci deviendraient la norme et un gouvernement NUPES risquerait d’être quotidiennement harcelé selon les méthodes majoritaires par des députés du centre, de droite et d’extrême droite hargneux, de mauvaise foi, tendancieux, friands de procès d’intention et d’insinuations perfides, brefs insoumis ! Il serait extrêmement délicat de parvenir à légiférer dans ces conditions, sauf à coup de 49-3 ?

Ce serait l’effet boomerang et les Français ne seraient pas gagnants.

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  • Ce blog n'a pour ambition que de refléter les opinions, remarques et propositions de son auteur. Il est bien sûr inspiré par la vie à Flines-les Râches, où je réside, mais aussi par l'actualité en général.
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