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L'observateur Flinois
23 février 2020

Tragi-comédie

Les grandes lignes de notre système de retraite datent de l’ordonnance du 19 octobre 1945 qui a mis en place le principe de pensions par répartition.

A l’époque, l’Europe et la France sortaient d’un conflit meurtrier, il fallait reconstruire et la natalité était de près de 3 enfants par Française. Le système a été calé avec ces paramètres : la retraite pouvait se prendre à 60 ans mais avec une forte décote qui disparaissait à 65 ans et la pension était limitée à 40% du plafond de la Sécurité sociale. Des régimes d’assurance vieillesse précurseurs avaient déjà été créés à partir du XVIIème siècle (Eh  oui !) pour les agents de l'Etat et les salariés de certaines professions, tels les régimes des marins (1673), des fonctionnaires civils et militaires (1853), des mineurs (1894), et du personnel des chemins de fer (1909). Ces régimes précurseurs plus avantageux, car corporatistes, que le régime général, ont perdurés et sont devenus les fameux régimes spéciaux. Le législateur de l’époque pensait que le progrès social aidant, les conditions économiques évolueraient avantageusement et que le régime général finirait par s’aligner sur le plus généreux des régimes spéciaux en les absorbant au fur et à mesure. Douce utopie !

 Près de trois quart de siècle plus tard, le paysage a bien changé : la mondialisation, la financiarisation sauvage et le libéralisme débridé à l’anglo-saxonne, (ou plus inattendu à la chinoise) ont radicalement bouleversé les interactions entre salariés du monde entier. Dans le même temps, en Occident, la natalité a chuté et l’espérance de vie à 60 ans s’est fortement améliorée entrainant mécaniquement un vieillissement de la population.

Si en 1960 il y avait 4,14  cotisants pour un retraité, ils n’étaient déjà plus que 2,68 en 1980 et aujourd’hui, il reste 1,7 cotisant pour un pensionné.

N’en déplaise à tous les «  Tout va très bien Madame la Marquise », notre système de retraite craque de partout et va droit vers la faillite !

 Le gouvernement a entrepris une refonte systémique et propose le passage de 45 régimes différents à un seul. Pari extrêmement ambitieux puisque jamais tenté mais tout à fait dans l’esprit Français. Nos ancêtres se sont-ils posé la question « s’il ne valait pas mieux procéder par étape » ou « regarder comment les autres avaient fait » quand nous avons donné au Monde  la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen  ou le Système métrique universel ?

 Des évolutions sont inéluctables pour sauvegarder notre régime de retraite par répartition. Plus de justice sociale est possible en rognant de-ci de-là quelques « privilèges » (pardon « avantages acquis »). Que les syndicats soient « vent debout » contre, c’est dans la nature des choses et il n’y a rien de surprenant : ils remplissent leurs mandats, même s’ils sont conservateurs.

 Il apparaît évident qu’il serait souhaitable de tenir compte de l’espérance de vie à 65 ans par branches professionnelles pour fixer des dérogations à la règle commune. Par exemple, récemment, il a été fait état que, statistiquement, les égoutiers avaient une espérance de vie inférieure de 7 ans à celles des autres ouvriers.

Il conviendra pourtant de faire le tri, sans parti-pris ! Les croque-morts ont tenté de faire valoir la pénibilité de leur travail car ils sont confrontés au chagrin des proches des défunts. Que dire des contractuels qui dressent des PV aux automobilistes et n’ont jamais un remerciement ! N’est-ce pas pénible à vivre au quotidien ?

 Autre exemple : si les conducteurs de trains de la SNCF peuvent partir à 52 ans, ce n’est pas spécialement à cause de la pénibilité, mais tout simplement par un tour de passe-passe des capitalistes du 19ème siècle. Lors de la création des réseaux ferrés privés, tout était à faire, notamment la formation des mécaniciens. Il était moins coûteux de débaucher, en lui offrant un meilleur salaire, un mécanicien formé par un concurrent que d’investir en formation d’un apprenti susceptible d’être débauché. Pour stopper cette surenchère, certains réseaux eurent la bonne idée de différer le problème et de fidéliser leurs mécaniciens en leur promettant qu’ils partiraient plus tôt en retraire. Tour de passe-passe d’actionnaires au 19ème , maintenant défendu par le Parti Communiste… CQFD !

 Pour d’obscures raisons (coup de billard à 3 bandes ?) La France Insoumise qui peine beaucoup à se crédibiliser et dispute son électorat populaire au Rassemblement National, a décidé d’entamer une campagne d’obstruction à l’Assemblée Nationale.19 000 amendement ont été déposés par ce seul groupe à la commission spéciale chargée  en  8 jours de faire un pré-tri et qui n’a bien entendu pas réussi à les examiner dans les délais.

Le projet de loi « non épuré » a donc été transmis tel quel à l’Assemblée Nationale qui avait prévu 3 semaines pour étudier le texte. La France Insoumise à fait tourner un peu plus les imprimantes et photocopieuses et a monté à 23 000 le nombre de ses amendements et sous-amendements. Les députés d'opposition LFI et PC, multiplient en plus les incidents de séance : sous-amendements à leurs amendements formels, demandes de suspension de séance et rappels aux règlements … Une trentaine de personnes arrivent à paralyser et ridiculiser notre démocratie !

 Que signifient  près de 23 000 amendements déposés par la France Insoumise qui ne compte que 17 députés ? Concrètement, chacun des députés LFI a en moyenne signé comme sien 1350 amendements issus d’un traitement de texte stéréotypé. Par exemple, 6 amendement différents visant le même alinéa d'un article et proposant de remplacer les mots « au regard » par « en considération»  puis « prenant en compte » puis « prenant pleinement en compte » puis « afin de prendre en compte » puis « en considérant » puis « eu égard à »... Constructif, hein ?

Bien sûr cela est légal, mais tout autant que l’optimisation fiscale par les multinationales qui fait tant hurler LFI ( et là, je suis pourtant d’accord avec eux !)

 Bien qu’ils s’en défendent, cet exercice stérile est purement formel et obscurément électoraliste : billard à X bandes passant soit par une hypothétique révolution soit par une aussi hypothétique contre-révolution après un épisode de dictature fascisante qui échouerait… (mais à quel prix pour la Nation ?)

 L’objectif de cette obstruction parlementaire bas-de-gamme est, de façon implicite, de contraindre le gouvernement à user de l‘article 49-3 de la Constitution avant les élections municipales qui ferait  adopter le texte sans amendements si une motion de censure ne renversait pas le gouvernement. Les oppositions pourraient ainsi se draper dans les oripeaux de leur dignité outragée et hurler au « Passage en force », à « L’abus d’autorité » et tutti quanti.

 C’est la méthode des activistes dans les manifestations qui lancent des projectiles aux forces de l’ordre et crient à la répression policière quand celles-ci ripostent…

 Il est assez amusant d’entendre Clémentine Autain, députée La France Insoumise de la 11ème circonscription de la Seine Saint Denis, interviewée sur la probabilité « d’un 49-3  sur le projet de réforme des retraites » s’indigner sur le « piétinement des prérogatives du Parlement » alors qu’avec son groupe de députés, ils foulent aux pieds les fondements de notre démocratie en réduisant le travail des parlementaires à l’examen d’un ânonnement de « dégueulis de logiciels de traitement de texte et de photocopieuses ! » Beau "foutage de gueule !"

 La 6ème République appelée de ses vœux par Mélenchon (leader de LFI) prône une limitation des pouvoirs présidentiels et un accroissement des pouvoirs du Parlement. La IVème République (régime parlementaire par excellence avec un président de la République cantonné aux inaugurations) fut un fiasco total avec une valse de gouvernements éphémèrement soutenus par des majorités de circonstance assises sur des égos démesurés et des jeux d’appareils.

 Mélenchon propose de remettre ça ? Avec des élus comme ceux de son groupe, qui respectent si peu leur fonction et les électeurs, en étant capables de bloquer l’Assemblée avec des photocopieuses et un dictionnaire des synonymes ? Bad buzz !

Le régime universel de retraite par points est plutôt une idée de gauche, pétrie de justice sociale. Il y a sans doute plein de défauts à corriger et ce devait normalement être le travail des parlementaires, avec des amendements discutés et votés.

Faire passer ce texte sans amendements est un mauvais coup pour la démocratie, non pas à cause du gouvernement, mais à cause d’une opposition sclérosée, dogmatique et hors sol.

C’est dommage !

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