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L'observateur Flinois
22 décembre 2023

L'École des Fans

Rappel pour les plus jeunes : l’École des Fans était une émission de télévision musicale française créée sur Antenne 2 le 30 janvier 19771 à l'initiative de l'animateur Jacques Martin et qui jusqu’à fin 1998 a permis à de charmants bambins de massacrer devant lui les succès d’un chanteur invité.

Particularité, les enfants (dont beaucoup étaient trop jeunes pour savoir compter) notaient les prestations en brandissant des petites pancartes avec des chiffres. Pour désigner le vainqueur, Stéphane Collaro (tonton Mayonnaise)  prétendait Invariablement soit ne plus savoir où il en était de ses comptes et déclarait tous les participants premiers ex aequo, soit annonçait une égalité mathématique parfaite (« j'ai beau recompter ») et tout le monde terminait premier.

Devant le cirque des derniers jours au parlement, j’ai eu l’impression de retrouver l’École des Fans, en moins drôle et sauf que tout le monde a perdu !

Petit résumé rapide. Le ministre de l’Intérieur, afin de démontrer que « lui sait faire » se targuait de faire voter une énième loi sur l’immigration. Un texte relativement équilibré (méchant avec les méchants et gentil avec les gentils) avait fini par être enfanté après de multiples scénarii.

Pour des raisons tactiques, le gouvernement avait choisi de l’introduire d’abord au Sénat (majorité de droite) qui doubla le nombre d’articles initial et durcit considérablement le côté « méchant ». La commission des lois de l’Assemblée (sous maîtrise de la majorité présidentielle) rétablit à-peu-près la mouture initiale et espérait faire discuter, amender et adopter le projet pendant les quinze jours prévus pour l’examen (et le vote) en séance.

Sous l’impulsion de la NUPES une motion de rejet préalable a été votée (cf. Droit dans le mur) avec des voix de Les Républicains (LR) et la totalité des voix du Rassemblement National (RN). Le texte n’a pas pu être discuté

Après une commission mixte paritaire de 7 sénateurs et 7 députés, le projet durci du Sénat, quasiment intact, a été remis au vote et adopté au Sénat (normal, c’était leur texte) puis à l’Assemblée avec une soixantaine de défections d’élus de la majorité et la totalité (88) des voix du Rassemblement National.

Une explication arithmétique simpliste a été avancée par la Macronie pour expliquer que, en retranchant  les 88 voix du RN du total des votes positifr, la loi passait quand même. Ils en déduisent que ce n’est pas le RN qui a fait adopter la loi. L’examen froid des votes démontre que le texte ne passait qu’avec l’abstention du RN ou les votes positifs du RN. Si les députés RN avaient voté contre, le projet était rejeté. CQFD

La Macronie se gargarise, président en tête, d’avoir fait adopter une excellente loi pour les Français.

Le GIE (Groupement de petits Intérêts Electoraux) Les Républicains (conglomérat de circonstance d’auto entrepreneurs qui ne voient que leurs futures carrières personnelles) se félicite d’un succès historique.

La NUPES qui avait fait trébucher l’examen du texte à l’Assemblée (avec des voix LR et RN), très fière de son coup d’éclat se retrouve maintenant avec un texte qu’elle n’a même pas tenté d’amender et encore plus dur que ce dont elle accusait la Macronie.

Le rassemblement National jubile. Ses idées d’extrême droite infusent dans la société française via l’instrumentalisation du GIE Les Républicains et les maladresses de la NUPES. Tactiquement, le groupe RN est devenu un maître. Il utilise à merveille son potentiel de nuisance pour orienter à sa guise les débats et faire passer les textes qui l’arrange.

Quelles conclusions en tirer ?

L’éphémère succès de la NUPES avec sa motion de rejet s’est retourné contre ceux qu’ils entendaient protéger. Un responsable de premier plan du Parti Socialiste rejetait pitoyablement toute responsabilité dans ce scénario du pire en tentant d’expliquer que si l’examen du  projet n’avait pas été interdit, de toute façon la loi adoptée à l’Assemblée serait retournée en Commission mixte paritaire et le texte durci du Sénat aurait quand même été adopté. Comment peut-on servir des mensonges aussi éhontés ?  

Si une loi avait été adoptée par l’Assemblée dans une version équilibrée (méchante avec les méchants et gentille avec les gentils), ce sont les deux textes qui auraient servis de base pour les tractations. Les négociations auraient été moins déséquilibrées. Par gloriole, la NUPES s’est tirée une balle dans le pied !

Selon les juristes, une partie des mesures introduites par le Sénat ont une légitimité constitutionnelle douteuse : « les mesures durcissant les conditions du regroupement familial telles celle portant à deux ans au lieu de dix-huit mois aujourd’hui le délai de résidence pour en bénéficier ; celle exigeant du conjoint « une connaissance de la langue française » ou encore la nécessité que son conjoint à l’étranger ait 21 ans au minimum plutôt que 18. Est aussi concerné l’article qui porte de trois à cinq ans la durée de résidence nécessaire avant qu’un conjoint ou parent de Français puisse bénéficier d’une carte de résident de dix ans.

Les Républicains et le gouvernement ont sciemment pris le risque de faire adopter des articles de loi contraires à la constitution. En fait, il compte sur le Conseil Constitutionnel pour corriger leur mauvais travail.  Mais l’extrême droite aura beau jeu de faire remarquer que les juristes empêchent les élus de prendre les mesures nécessaires à la protection du Bon Peuple.

En Pologne le parti ultraconservateur PIS (qui vient d’être chassé du pouvoir) n’a eu de cesse de limiter les prérogatives des magistrats indépendants et en Hongrie, Viktor Orban  fait continuellement de même, les deux régimes entendant perpétrer sans contrepouvoirs leurs politiques anti étrangers. Dangereux chemin qu’empruntent  avec impudence (et inconscience) nos gouvernants et anciens gouvernants.

La démographie française est sur une pente déclinante. La population vieillit car la durée de vie s’allonge (et avec elle la durée de temps de présence en retraite). Les milieux économiques,  par la voix du MEDEF s’accordent à annoncer que « d'ici à 2050, nous aurons besoin, sauf à réinventer notre modèle social, sauf à réinventer notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers » hors de l'Union européenne puisque « tous les pays de l'UE sont confrontés au même problème démographique »

Tous les retraités qui espèrent être encore pensionnés dans vingt ans et estiment qu’il y a trop de travailleurs étrangers qui perçoivent trop de subsides devraient peut–être réfléchir à ce paradoxe : à termes, sans travailleurs cotisants à notre régime par répartition, quelles que soient leurs nationalités… pas de pensions !

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