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L'observateur Flinois
31 mai 2023

LIOT

Cet acronyme est employé pour désigner un groupe de députés à l’assemblée nationale. Il faut se souvenir qu’un député n’appartenant pas à un groupe parlementaire est systématiquement démuni d’un certain nombre d’avantages dévolus aux groupes constitués tels des moyens spécifiques (accès à des salles de réunion, secrétariat) et surtout la faculté une fois par session de fixer l’ordre du jour de l’Assemblée nationale : c’est la niche parlementaire

Cette faculté plutôt vertueuse dans son principe initial qui était de permettre aux groupes minoritaires d’inscrire des propositions de lois (car il y parfois des bonnes idées chez les opposants) a été instrumentalisée par les petits jeux politiciens qui ne grandissent pas notre représentation nationale.

Ainsi, les dernières journées de niche  ont surtout servi à lancer des boules puantes. Lors de sa niche en janvier  le Rassemblement national (RN) « ne cachait pas vouloir mettre le gouvernement et l’opposition de gauche en porte-à-faux »  notamment en reprenant en l’état exact où elle avait été abandonnée, une proposition de la France Insoumise (LFI) faite lors de sa propre niche parlementaire, sur la réintégration des soignants. La Macronie l’avait boutée hors-jeu par ses obstructions qui avaient empêché un vote avant minuit. LFI voterait-il son texte porté par le RN ?

Le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) est un agglomérat assez disparate d’une vingtaine d’élus insulaires (Corse, Antilles, Réunion)  ou de centristes plus ou moins en rupture de ban avec leurs familles d’origine. La singularité de l’Assemblée actuelle où il n’y a pas de majorité, les place en « faiseur de roi » Ces élus sont quasiment incontournables pour la constitution de coalitions hétéroclites majoritaires.

Ces élus n’ont pas de fonctions prestigieuses (vice-président de l’Assemblée, président de commission, questeur, porte-parole, etc.) et, s’ils veulent capter l’attention des médias, sont obligés de « faire des coups »

Ainsi, après avoir porté une motion de censure de la Première ministre qui avait engagé sa responsabilité en vertu de l’article 49-3 de la constitution pour faire adopter sans vote la loi sur la réforme des retraites, (censure qui a échoué à 9 voix près) le groupe LIOT récidive.

Fortement encouragé par la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) dont il est devenu une sorte de supplétif, le groupe propose dans sa niche parlementaire  de faire voter une loi ramenant l’âge de la retraite à 62 ans (annulation de la loi adoptée aux forceps portant l’âge légal à 64 ans)

Il est possible que cette loi trouve une majorité en additionnant les votes de la NUPES, du RN, de LIOT et de certains élus Les Républicains (LR)

Ces derniers élus LR sont particulièrement démagogues  dans leur recherche effrénée de notoriété.

La loi portant l’âge de la retraite à 64 ans a été votée récemment au Sénat par la majorité de droite LR-UDI. Même si le projet démagogique de LIOT était voté à l’Assemblée, il serait hautement improbable que quelques mois plus tard la majorité sénatoriale se déjuge et adopte le retour à 62 ans.

La loi LIOT n’a aucune chance d’être adoptée et promulguée

Les députés Les Républicains qui jouent leurs notoriétés personnelles et captent la lumière en s’opposant aux responsables du groupe et de leur parti ne prennent aucun risque. Leurs menées populistes ne sont que des velléités qui  resteront à l’état de manœuvres politiciennes sans conséquences.

Il est pourtant un aspect beaucoup plus terre-à-terre dont personne ne parle. L’article 3 du projet LIOT prévoit des ressources financières pour équilibrer la mesure. Il dit : « La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »

Concrètement cela veut dire que des ressources nouvelles seront recherchées pour financer la mesure de retour à 62 ans (c’est l’article 2 du projet LIOT : « Une conférence de financement du système de retraite est organisée avant le 31 décembre 2023 ») et que le reste à charge sera compensé par une augmentation des taxes sur le tabac.

Un petit calcul s’impose. Hormis  augmenter les cotisations patronales et salariales, diminuer les pensions des retraités ou  emprunter sur les marchés, il est peu probable que de l’argent facile soit inventé pour combler les déficits des régimes de retraite (ou alors c’est que nos différents gouvernants successifs depuis 30 ans étaient des ânes. C’est possible, mais à ce point ce serait quand même étonnant !)

Faisons l’hypothèse qu’aucune nouvelle source de financement ne soit trouvée et que le gouvernement doive se rabattre sur la fiscalité du tabac. Question : de combien augmenterait le paquet de cigarettes pour financer les deux ans de retraite supplémentaire des pensionnés ?

La consommation de tabac n’a pas diminué depuis 2021, donc nos chiffres sont tout à fait d'actualité.

En 2021, il s’est vendu 33,480  milliards de cigarettes soit 1,67 milliard de paquets.

Prenons la fourchette basse du COR (Comité d’Orientation des Retraites) pour évaluer le déficit annuel attendu des régimes des retraites soit 12 milliards d’Euros.

Pour répartir 12 milliards d’Euros sur 1,67 milliard de paquets il faut charger chaque paquet de 7,19 €

Le prix moyen du paquet de cigarettes étant en 2023  à 10,60 €, il passerait à 17,79 € (10,60 + 7,19)

Autre calcul : il y a 14 millions de fumeurs en France. Récupérer 12 milliards d’Euros sur leur dos revient à les taxer chacun en moyenne de 857 € par an. Il faut cependant nuancer : certains fument deux paquets par jour et d’autre un paquet par mois. Malheureusement, pour les gros fumeurs de 2 paquets journaliers, le surcoût de dépense pour assouvir leur tabagisme sera de 7,19€ x 2 x 365 j = 5248 €/an !

Avec de telles augmentations il est à-peu-près évident que certains fumeurs  arrêteraient de fumer ce qui aurait un double effet pervers. D’un côté il y aurait diminution des recettes de financement des retraites et dans le même temps, le risque tabagique diminuant, la durée de vie de ces anciens fumeurs s’allongerait augmentant les dépenses de pensions de retraite. Redoutable effet de ciseau.

Pour conclure, nos députés se tirent une fois de plus une balle dans le pied. Tous savent que le financement des retraites pose un problème et qu’il faut le régler. La majorité a pris ses responsabilités et fait adopter une solution. Il en existe peut-être d’autres, mais les élus sont incapables d’en discuter sereinement dans l’enceinte prévue pour ça : notre parlement

Par calcul démagogique et/ou ambitions personnelles les élus d’opposition préfèrent empêcher le gouvernement d’avancer et menacent déjà si le projet LIOT est retoqué, de le reproposer systématiquement lors de leurs niches parlementaires jusqu’à la fin du quinquennat. Ça s’appelle le comique de répétition sauf que dans notre cas, ce n’est pas un jeu et que notre pays risque de s’enliser dans un immobilisme de mauvais aloi comme lors du quinquennat de Chirac.

Le projet LIOT est démagogique, voué à l’échec et une farce coûteuse…pour les fumeurs. Il faudrait vérifier s’il y a des fumeurs parmi les députés d’opposition qui en font la promotion et voudraient le voter. À moins qu’à l’économat de l’Assemblée Nationale les cigarettes soient vendues détaxées ?

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