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L'observateur Flinois
5 mai 2021

Déficit de culture scientifique ?

Dans une tribune dans le Monde du 30 avril, Philippe Juvin, maire Les Républicains de La Garenne-Colombes et chef des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou s’interroge sur le « lien entre le déclassement scientifique et industriel de la France, la déroute de l’administration dans la gestion de la crise sanitaire et l’appauvrissement du débat dans la sphère publique. »

Sa conclusion : « A des degrés différents, tous sont les conséquences de l’affaiblissement de l’enseignement et de la culture scientifiques dans notre société ».

Pour illustrer les méfaits de la culture supposée uniquement administrative des diplômés de l’ENA, ultra-majoritaires dans la haute administration par rapport aux hauts fonctionnaires issus de l’école polytechnique (corps des Mines, corps des Ponts, Armement,…), il évoque «  Le triste sort réservé à [la biotech française] Valneva, malheureusement révélateur. Ni les ministères concernés ni l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), pourtant informés très tôt, n’ont pris au sérieux les résultats prometteurs du candidat vaccin de cette société nantaise, ne faisant que conditionner d’éventuelles aides à la constitution d’un énorme dossier administratif. Au même moment, les Britanniques et les Américains, agiles et baignés d’esprit scientifique, lui disaient banco. Résultat : l’usine se monte en Ecosse. »

La relation causale est, selon lui : « Apprendre les sciences, c’est d’abord apprendre à penser. La science forme l’esprit critique. Mes hypothèses sont-elles bonnes ? Sont-elles les seules ? Quels arguments contraires ? Ai-je vraiment raison ? L’esprit scientifique progresse par interrogations, compare, doute, écoute avant de conclure. Il aide à penser contre son propre cerveau ».

Il oppose à cette remise en cause permanente les mantras scandés par nos responsables « nous avons « le meilleur système de santé », « le meilleur système éducatif », « la meilleure protection sociale », « les retraites les plus protégées » qui prouvent que « La France ne doute jamais d’elle-même »

Son constat est juste… et malheureusement récurrent. En 1913 et en 1938, l’armée française était persuadée d’être la meilleure d’Europe avant d’apprendre sur les champs de bataille quelques mois plus tard la triste réalité de son sous-équipement matériel et de ses retards stratégiques et tactiques Nos grands décideurs politiques découvrent encore, hélas lors des crises aiguës, les dégâts telles les pénuries de masques et de vaccins engendrées par une dépendance quasi totale aux importations. Une des causes est certainement que nos hauts fonctionnaires ne doutent jamais,… mais pas que.

Je suis beaucoup plus nuancé sur l’apport d’un renforcement de la culture scientifique pour atténuer  ce manque de doute.

Tout d’abord, Monsieur Juvin, lui-même médecin, est également élu Les Républicains. Une part de sa critique est donc inspirée par son engagement politique.

Les élus, quel que soient leurs partis, ne se gênent pas pour asséner avec la même conviction tout et son contraire, avec une même constante : tout ce que propose son camp est adapté mais tout ce que propose les autres est nul. En plus, avec une mauvaise foi cousue de fil blanc, les pires manœuvres sont habillées pour faire croire qu’elles sont mises en œuvre dans l’intérêt des Français.

Par exemple, au Sénat en juillet 2018, « la commission des lois a créé en son sein une mission pluraliste sur les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection de hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements ». C’était le début de l’affaire Bénalla, exploitée jusqu’à la corde par les sénateurs des oppositions, avec l’objectif (non avoué et totalement différent de l’intitulé officiel de la commission) d’allumer un contre-feu afin de torpiller dans l'oeuf l’objectif gouvernemental de réduction de 30% du nombre de parlementaires ! Vous trouvez qu’il y a le moindre zeste de doute dans la manœuvre ? Tous les sénateurs ne sont pas énarques, mais tous des hommes et femmes politiques.

Les scientifiques ne sont pas non plus forcément adeptes au quotidien de la démarche suggérée par M. Juvin. Souvenez-vous de l’attitude du Professeur Raoult, éminent spécialiste reconnu des maladies infectieuses qui défraya la chronique en promouvant sans mollir, quasiment seul contre tous et malgré les études contraires, l’Hydroxychloroquine comme traitement miracle de la Covid-19.

Autres exemples, les médias nous infligent journellement les analyses doctes d’infectiologues, épidémiologistes et autres professeurs de médecine qui se contredisent sans vergogne les uns les autres, dans une cacophonie qui finalement dissuade tout le monde d’écouter leurs propos. Par contre, quelles que soient leurs opinions contradictoires, tous se vexent à l’unisson que le président de la République prenne ses distances avec leurs dires et étaye ses décisions sur des critères politiques.

Dernier constat, les ingénieurs des prestigieux corps des Mines ou des Ponts, des Eaux et Forêts, bien que sortis dans la botte (50 premiers de l’école polytechnique) et dont M. Juvin semble vanter les esprits façonnés à la méthode scientifique, ne sont pas les derniers à mettre en place dans les ministères techniques des usines à gaz règlementaires (code de l’Environnement, code de l’Urbanisme), compliquant inutilement les démarches des collectivités ou des entrepreneurs dont certains préfèrent aller investir dans des pays appliquant les même règles européennes mais de manière moins tatillonne. Jamais un doute ne vient ternir leurs belles certitudes, tout au plus fustigent-ils la mollesse et le manque d’envergure intellectuelle de leurs collègues étrangers

Les maux dénoncés par M. Juvin dans sa tribune «  le déclassement scientifique et industriel de la France, la déroute de l’administration dans la gestion de la crise sanitaire et l’appauvrissement du débat dans la sphère publique » sont réels et entravent le fonctionnement de notre pays.

Ils ne me semblent pas dus essentiellement à un manque de culture scientifique et un déficit d’ingénieurs des grands corps techniques par rapport aux énarques mais à des caractéristiques communément  associées aux Français par les étrangers : Arrogance ! Intolérance ! Suffisance ! Entre-soi !

Le déphasage entre la France perçue par les décideurs et la France réelle, principale cause de la crise des Gilets jaunes relève essentiellement de ces défauts, très communs à un certain niveau de responsabilités.

Arrogance et suffisance : les élus, puisque oints par le suffrage populaire (ce qui n’est pas le cas des sénateurs mais ne les empêche pas de faire « comme si ») sont forcément au-dessus des pékins vulgaires (autrement appelés électeurs) qui se sont exprimés dans les urnes. Les énarques et les polytechniciens des grands corps ont terrassés leurs concurrents pour entrer dans des écoles prestigieuses et sont donc par construction supérieurs aux vaincus et à ceux qui n’ont pas même pas concouru (les mêmes pékins vulgaire appelés cette fois habitants).

Intolérance et Entre-soi : élus, énarques et ingénieurs des grands corps ont tendance à s’épauler entre eux, à fréquenter des associations d’anciens ou du même groupe politique et à se snober collectivement. Un certain communautarisme en découle qui n’aide pas à élargir les horizons intellectuels et à renouveler les idées. Tout ce qui n’a pas été produit au sein de la confrérie est au mieux suspect si ce n’est disqualifié d’avance.

La sagesse populaire constate «  qu’au royaume des aveugles les borgnes sont rois » Être élu peut simplement signifier être perçu par défaut comme le moins pire d’un lot médiocre offert au choix. On le vit parfois dans nos communes et nos cantons  et c’est un facteur d’abstention aux élections. La fonction élective ne confère aucune compétence innée. De même, les concours à l’ENA et Polytechnique font la part belle au bachotage dans un nombre limité de matières. Être un cador en droit constitutionnel, en math. ou en physique ne vous délivre pas un brevet de compétences universelles pour analyser et résoudre brillamment des problèmes sociétaux.

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