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L'observateur Flinois
6 juin 2023

Jeu de bonneteau ?

Aujourd’hui 6 juin 2023, 14ème journée de mobilisation syndicale et politique contre le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans.

Fidèle auditeur matinal de France Inter depuis des décennies, je pronostique une mobilisation faible à moyenne. Le service public de l’audio-visuel est un bon baromètre des mobilisations syndicales : si la surprenante playlist de la station occupe toute la plage du réveil, cela signifie que les syndicalistes toujours prompts à se mobiliser ont répondu avec zèle aux mots d’ordres. Ce matin, juste quelques petites pastilles manquantes dans le déroulé habituel. Les techniciens étaient majoritairement à leurs postes.

Une chronique dans Le Monde d’hier a été signée par les responsables des groupes parlementaires de la NUPES (Parti Communiste Français, Europe Écologie Les Verts, Parti Socialiste, La France Insoumise), du supplétif LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) ainsi que de Charles de Courson, député LIOT rapporteur de la loi abrogeant le report de l’âge de départ en retraite à 64 ans.

La chronique porte sur « Les manœuvres de la majorité pour empêcher un vote sur la proposition de loi visant à abroger le recul de l’âge de départ à la retraite) et énonce : « La proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite fait l’objet de toutes les manœuvres possibles pour empêcher le vote de la représentation nationale. »

Dans le contexte évoqué dans le billet ( LIOT) il paraît possible que l’article 1 du projet de loi d’abrogation puisse trouver une majorité à l’Assemblée nationale car aux oppositions NUPES, LIOT et Rassemblement National pourraient s’ajouter les voix de frondeurs Les Républicains, assurés de ne politiquement rien risquer dans l’immédiat car le texte adopté à l’Assemblée ne franchirait pas l’étape du Sénat ayant voté le texte de report à 64 ans. Le texte reviendrait en deuxième lecture dans quelques mois à l’assemblée où ils devraient enfin se déterminer. Ces courageux frondeurs seraient assurés d’avoir le beurre, l’argent du beurre et peut-être même les points cadeaux car ils deviendraient d’incontournables faiseurs de roi. S’ils étaient aussi logiques qu’assumant leurs positions, les frondeurs les Républicains devraient rejoindre les autres députés en rupture de ban et grossir les rangs de LIOT. Le problème est que cette étiquette est une étiquette par défaut ne procurant des avantages qu’à l’Assemblée Nationale mais n’assurant pas une réélection automatique aux prochaines Législatives de 2027, sans l'investiture Les Républicains.

Tout au plus, le vote de la loi LIOT ramenant l’âge de départ à 62 ans serait un énorme camouflet infligé au gouvernement ainsi qu'une gigantesque et inutile perte de temps et d’argent pour le PIB Français. Le problème du financement des retraites pour les trente ans à venir resterait irrésolu.

Que reprochent en substance les signataires.

Pour être discuté, un projet de loi doit être déclaré constitutionnellement recevable. Il y a logiquement plusieurs étapes dans cette recevabilité. Un premier tri rapide  par le Bureau de l'assemblée est chargé de retoquer tous les projets écartables sans analyse trop fouillée. Par exemple une proposition de loi visant à modifier les manuels de géographie pour adopter la platitude de la Terre ou une proposition de versement immédiat sans condition d’un million d’Euros à chaque Français.

La gradation sélective par étape est extrêmement courante. Quand on postule pour un emploi, les CV sont d’abord triés sur la forme (30 secondes pour convaincre !). Les candidats retenus à ce premier barrage passent ensuite un entretien qui, s’il est concluant sera éventuellement suivi de plusieurs autres. Que diriez-vous d’un candidat éliminé au deuxième entretien qui hurlerait au scandale au prétexte que son CV a franchi le premier tri et qu’il a passé avec succès la barre du premier entretien ?

Le projet de loi LIOT a été jugé recevable au premier examen sommaire qui est traditionnellement purement formel mais sans entrer sur le fond, celui-ci devant être examiné et amendé lors de la suite de la procédure.

Dans le parcours de la proposition de loi LIOT, le président de la commission des finances, l’Insoumis Eric Coquerel aurait pu prononcer la non recevabilité financière de ce texte. Entre son rôle de président de la prestigieuse commission des finances et celui de militant de la France Insoumise, il a fait un choix.

A la  commission des affaires sociales une majorité favorable au gouvernement peut être obtenue. La commission   a examiné le texte et supprimé l’article ramenant l’âge de départ à la retraite à 62 ans tout en maintenant les articles 2 et 3  que les opposants souhaitaient dans la foulée supprimer. La manœuvre n’était pas suicidaire mais visait à ramener la proposition de loi à zéro article. Dans ce cas, c’est projet initial non dépouillé, donc avec touis ses articles, qui est examiné en séance plénière. La  première manœuvre ayant échoué, les oppositions ont déposé 6000 sous-amendements (sur 2 articles d’une ligne ou deux restants à discuter !). L’objectif était visiblement de jouer la montre  en commission jusqu’au 8 juin sans parvenir à terminer l’examen en commission : dans ce cas, c’est projet initial non amendé (avec l'article 1) qui est examiné en séance plénière. La présidente de la commission des affaires sociales, actant cette tentative d’obstruction manifeste, a rejeté en bloc les 6000 amendements dilatoires.

Dans la chronique du Monde, les signataires s’étouffent d’indignation. En fait, il y a des règles du jeu et quand on perd à la loyale, il faut les accepter. Pour rappel, si le texte de la loi de report à 64 ans n’a pas pu être voté à l’Assemblée nationale c’est in fine à cause des milliers d’amendements déposés par la France Insoumise et du refus de les retirer pour permettre le vote, de crainte de perdre ! La NUPES sait jouer l'obstruction, pratique à l'occasion le "coup du rideau", bref utilise tous les coups de procédure permis par le règlement. Sa mauvaise foi est totale en accusant la Macronie de connaître et d'user des textes aussi bien qu'elle.

Les signataires préviennent ensuite que si la présidente de l’Assemblée osait déclarer l’irrecevabilité financière de l’amendement que va déposer Monsieur de Courson afin de réintroduire l’article 1  de sa proposition initiale, elle  violerait la « jurisprudence constante » en cours et cela « constituerait une remise en cause de la pratique constante de la Constitution et du règlement et une attaque d’une ampleur inédite à l’initiative parlementaire »

Que de grands mots pour tenter de créer un scandale douteux et quel manque d'arguments autres qu'allusifs. Les jurisprudences sont faites pour être renversées et pour étayer une accusation juridique il faut plus que des arguments uniquement moraux. Le petit calcul simple effectué dans mon billet LIOT montrant que pour absorber les 12 milliards à minima que coûterait la loi LIOT il faudrait augmenter les paquets de cigarettes de plus de 7 Euros (67% d’augmentation !) est beaucoup plus parlant pour justifier l’application de l’article 40 de notre Constitution qui prévoit l’irrecevabilité des propositions ou amendements qui engendrent « la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

Les signataires NUPES/LIOT enfoncent ensuite le clou en prédisant, du fait d’une future décision d’irrecevabilité par la présidente de l’Assemblée, la fin de deux avancées majeures.

-       La niche parlementaire qui permet aux groupes d’opposition de fixer une fois par session l’ordre du jour des textes de lois. On a vu que cette faculté, vertueuse à la base, a été totalement instrumentalisée par les divers groupes, plus soucieux de piéger ce jour-là leurs adversaires que de faire avancer le pays.

-       La présidence de la commission des finances dévolue à un député issu de l’opposition. Le lien de cause à effet n’existe pas. M. Coquerel, en tant que président de la commission des finances et de député La France Insoumise a pris une position politique. C’est affaire entre sa conscience constitutionnelle et sa condition de militant politique. Chacun est libre de se faire son opinion, mais cela ne remet nullement en cause l’attribution de la présidence de cette commission à l’opposition.

Pour terminer, les signataires de la chronique citent en préambule Gaston Monnerville [1897-1991] ancien président du Sénat qui fustigeait un « esprit factieux incompatible avec la démocratie » La phrase pourrait s’appliquer à certaines composantes des oppositions. Cette chronique est un modèle d'arguments biaisés, d'étalage de mauvaise foi et de procès d'intentions..

Là où je les rejoins cependant c’est quand les signataires NUPES/LIOT déclarent que, de tous ces jeux d’acteurs et faux-semblants, pourrait découler « une désaffection aggravée pour nos institutions – qui se manifeste déjà sous la forme d’un abstentionnisme croissant –, voire un accroissement de la colère et de la violence. » Ils y auront leur part de responsabilité.

 

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