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L'observateur Flinois
20 février 2023

Démocrature !

Vendredi 17 février, le simulacre d’examen en première lecture du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 s’est soldé par un arrêt du chronomètre : le délai imparti par la constitution étant atteint, le projet de loi est transféré au Sénat en l’état, sans avoir été entièrement débattu.

Le gouvernement a usé des latitudes permises par la Constitution en choisissant un vecteur (Loi de financement de la sécurité sociale) qui impose des délais contraints pour son examen et évite en l’occurrence d’éterniser la bataille de chiffonniers malheureusement prévisible vu la faiblesse du niveau démocratique de nos élus..

Sur le site de l’Assemblée on peut consulter le projet de loi (peu compréhensible) mais surtout les exposés des motifs par article, plus explicites. Pour l’article 1, l’exposé énonce : « cet article prévoit la fermeture des régimes spéciaux de retraite des industries électriques et gazières (IEG), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des clercs et employés de notaire (CRPCEN), de la Banque de France, et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour les agents qui seront recrutés à compter du 1er septembre 2023. » Cet article a été adopté.

L’article 2 qui créait un « index sénior, afin de faire de l’emploi des seniors une priorité des entreprises » et permettait de piloter l’emploi des salariés âgés en suivant des statistiques par entreprise a été retoqué, notamment par le vote contre de certains députés Les Républicains.

Les reste des articles n’a pas pu être examiné, surtout le titre 1er de la deuxième partie de la loi intitulé « Reculer l’âge de départ en tenant compte des situations d’usure professionnelle » et son fameux article 7 (rédigé en 13 pages) afin, selon l’exposé des motifs « d’assurer la pérennité financière du système de retraite le Gouvernement propose d’allonger la durée d’activité, par un relèvement de l’âge légal de deux ans pour atteindre la cible de 64 ans, ainsi qu’une accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance sans changer la cible actuellement prévue de 43 annuités.

Quelques commentaires

Les régimes spéciaux de retraites sont des régimes particuliers par branches, antérieurs à l'ordonnance du 19 octobre 1945 créant le régime général de la sécurité sociale et les retraites : les professions ayant déjà mis en place des régimes de retraite pouvaient les maintenir ... à titre provisoire !

Ces régimes ont un coût pour l’ensemble des Français (données 2018)

SNCF : 144 000 cotisants pour 255 000 bénéficiaires percevant 5,4 Md€ de prestations avec une subvention de l'Etat de 3,3 Md€ (soit 61%). La subvention s’amenuisera au fur et à mesure des départs des cheminots embauchés avant le 1er janvier 2020 car le régime spécial a été mis en extinction à cette date selon la « clause du grand-père » avec l’arrêt de l’embauche « au statut »

Industrie électriques et gazières : 142 000 cotisants pour 182 000 bénéficiaires qui perçoivent 5 Md€ de prestations. La subvention des clients-usagers (incluse dans les factures par le biais de la Contribution Tarifaire d’Acheminement) est de 1,5 Md€ soit  30%

RATP : 42 000 cotisants pour 49 000 bénéficiaires qui perçoivent 1,2 Md€ de prestations. La subvention de l'Etat est de 0,7 Md€ soit 58 %. Les conducteurs de bus et de métro de Marseille et Lyon dépendent du régime général de la Sécurité Sociale.

La suppression de ces régimes, provisoires depuis 1945, n’est pas seulement une question de justice sociale (principe politique et moral qui a pour objectif une égalité des droits et une solidarité collective qui permettent une distribution juste et équitable des richesses) mais aussi de rétablissement de l’équité (Qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû).

Les syndicats de l’Énergie et des Transports ne s’y trompent d’ailleurs pas puisqu’ils n’ont pas le cynisme de réclamer de figer à 62 ans l’âge du départ à la retraite : ils exigent le retrait du texte, dont surtout l’article 1 qui supprime leurs régimes spéciaux.

Les syndicats de l’Énergie ont cependant le culot de déclarer à qui veut l’entendre que leur régime est excédentaire en 2022 (c’est conjoncturellement vrai pour tous les régimes en 2022) et autofinancé. Si c’est formellement exact car la contribution tarifaire d’acheminement est inscrite dans la loi et croît avec l'inflation, c’est particulièrement hypocrite et cynique car peu de Français savent qu’en payant leurs factures d'énergie ils abondent directement les pensions des retraités gaziers et électriciens : on est loin d‘un autofinancement professionnel.

Pourquoi les débats n’ont pas eu lieu ?

La France Insoumise prétend que c’est la faute du gouvernement qui a fait le choix de présenter un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, limitant le délai d’examen à  vingt jours après le dépôt du projet.

C’est un mensonge éhonté. LFI a déposé  près de 13 000 amendements qui ont, avec sureté, enlisé les débats, ne permettant pas d’atteindre le fameux article 7 avant la fatidique date butoir du 17 février à minuit.

Leurs compères de la NUPES avaient retiré le reste de leurs amendements (déjà initialement beaucoup moins nombreux : écologistes 2 300, socialistes 1 400 et communistes 1 160) le jeudi afin de pouvoir atteindre et discuter l’article 7. LFI a daigné retirer, caricaturalement et symboliquement, 1 000 amendements, en laissant près de 8 000 à examiner.

Il faut se souvenir que début 2020, avant le confinement, un projet de  régime  universel de retraite par points avait été discuté à l’Assemblée nationale et que les 23 000 amendements déposés par la France Insoumise (qui ne comptait pourtant que 17 députés !) avaient déjà embourbé le débat conduisant le gouvernement à dégainer l’article 49-3.  Le temps dévolu au débat n’est pas une cause ; la volonté d’obstruction de La France Insoumise et la photocopie en chaîne de projets d’amendements stéréotypés si !

Le gouvernement a sans doute été maladroit dans son argumentation. Les dizaines de milliards de profits  inédits et les dividendes insolents annoncés à la Bourse n’ont certes pas facilités les annonces douloureuses sur le recul de l’âge de la retraite (les salariés CGT du Pétrole qui vont se gaver de dividendes s’ils ont eu le mauvais goût d’acheter des actions de leurs entreprises, ont déjà annoncé leur volonté de bloquer le pays).  

Le projet de loi est dans doute perfectible, mais exiger comme Monsieur Pradié (député Les Républicains du Lot aux ambitions personnelles démesurées) que chaque cas particulier soit prévu dans la loi est la négation du caractère général de celles-ci.

Le sujet est de stabiliser, voire de baisser la part de Produit Intérieur Brut (PIB) que notre pays consacre aux pensions (déjà une des plus élevée d’Europe). Ces ressources économisées pourront utilement, si elles sont bien employées, être attribuées à des secteurs d’avenir : Innovation, Éducation, Recherche,… Le vrai débat de société est là : le reste n’est que populisme.

Ce qui est très inquiétant c’est la dérive de Jean-Luc Mélenchon, pré-retraité de La France Insoumise qui est comme ces patrons capitalistes atteints par la limite d’âge qui ne se résignent pas à passer la main et continuent à fourrer leur nez dans la gouvernance de leur ancienne entreprise.

Mélenchon ne croit plus en la démocratie et mise sur une révolution pour mettre la main sur le Pays et imposer ses idées, sans contradiction. Il suffit de voir comment il a réorganisé la gouvernance de son usine à gaz (pardon : de son mouvement gazeux) en favorisant des jeunes obligés et en écartant des historiques, plus démocrates que lui. Son projet s’appelle Démocrature !

Il suffit de voir comment il a fait torpiller l’examen du projet de loi sur le report de l’âge du départ en retraite afin de miser sur les manifestations et le blocage du pays. Les leaders syndicaux sont en total désaccord avec sa tactique aventuriste. Le Rassemblement National qui se garde bien de s’engager dans le débat et attend patiemment de tirer les marrons du feu allumé par La France Insoumise, se frotte les mains silencieusement dans la coulisse.

Triste et dangereuse époque

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