Tragi-comédie

Ce début d’année 2022 est marqué de manière concomitante par une envolée des contaminations par le variant Omicron du SARS-CoV-2 (plus de 300 000 par jour) et par l’examen à l’Assemblée nationale d’un projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal.

A l’heure actuelle, pour l’accès d’un certain nombre d’activités, restaurants, salles de sports, voyages en TGV, matchs divers, etc. il faut produire un pass sanitaire attestant que vous êtes à jour de vos 3 doses de vaccination ou que vous avez un test PCR négatif de moins de 24h ou un certificat de guérison du COVID depuis moins de 6 mois.

Si la loi est votée, le pass vaccinal remplacera pour l’essentiel le pass sanitaire : l’accès des activités sera restreint aux personnes ayant un schéma vaccinal complet. La possibilité pour les professionnels de contrôler la concordance entre le nom sur le pass présenté et une pièce d’identité ainsi qu’un alourdissement des sanctions pour les faussaires figurent également dans la loi pour lutter contre la fraude.

L’intention est transparente : pousser les réfractaires, quelles que soient leurs raisons, qui entendent conserver une vie sociale à se faire vacciner (cf. billet Omicron,). En effet, les lits en réanimations sont majoritairement squattés par des non-vaccinés (cf. billet Hontes).

Les partis extrêmes, dans les sympathisants desquels on retrouve statistiquement le plus de non vaccinés, flattent cet électorat potentiel en criant à la mesure liberticide. Les partis ayant exercé antérieurement les responsabilités de l’État (Parti Socialiste, Les Républicains) annoncent rejoindre la majorité pour voter le texte, en proposant des amendements bien sûr.

Tout va donc pour le mieux chez nos députés ? Hélas, le déroulement de l’examen de ce texte tourne à la Farce.

Les contaminations flambent, il y a urgence à accélérer le mouvement des vaccinations, sachant qu’il faut un délai au corps humain pour fabriquer ses premiers anticorps. Le gouvernement s’est engagé dans une course contre la montre et souhaiterait que la loi soit opérationnelle le 15 janvier. L’agenda était serré mais tenable compte tenu des délais incompressibles de navette entre l’Assemblée et le Sénat.

Les oppositions ont déposé plus de 650 amendements à examiner en séance. Le gouvernement espérait prolonger la séance jusqu’au bout de la nuit du lundi 3 janvier, une manière de rendre la pièce aux oppositions en les forçant jusqu’à plus soif à examiner leurs propositions (il en restait plus de 500). Pour cela, le règlement de l’Assemblée prévoit que le gouvernement doit proposer d’allonger la séance à minuit et que les députés votent la prolongation. Les oppositions ont alors utilisés une vieille tactique d’obstruction connue dans le milieu parlementaire sous le nom du « coup du rideau » Jugeant que certains députés de la majorité étaient partis se restaurer, que d’autres étaient en retard pour les relayer, les députés Les Républicains, qui s’étaient dissimulés, ont fait leur entrée en force dans l’hémicycle, pendant que la présidente (Les Républicains) de séance mettait la proposition d’arrêt de la session au vote à main levée. Celui-ci fut voté avec 4 voix de majorité, sous les hourras et les applaudissements des oppositions. Pitoyable ! De telles gamineries donnent vraiment envie de voter pour élire des "représentants" (en farces+ et attrapes ?)

Les députés d’opposition glosèrent ensuite fièrement sur le « Camouflet infligé au gouvernement » ainsi que sur « l’amateurisme des députés de la majorité » piégés par la vieille tactique du « coup du rideau »

La candidate Les Républicains, Valérie Pécresse, y alla de son couplet renvoyant la faute du retard pris à « Ce gouvernement incapable de tenir sa majorité et qui démontre ainsi son illégitimité à prétendre gouverner à nouveau la France »

 Au nom de la "Responsabilité de son parti de gouvernement », la candidate LR s’est engagée publiquement à ce que celui-ci vote le pass vaccinal. Mme Pécresse, quand je vois l’espièglerie des députés de votre camp qui s’amusent à se cacher comme des collégiens pour faire des farces au gouvernement, il me semble que vous ne tenez pas vraiment vos troupes non plus et que l’unité prônée « au nom de la Responsabilité » est de façade. Et vous prétendez gouverner mieux le Pays dans cents jours ? Auriez-vous les moyens, si vous gagniez, de vous faire respecter d’une éventuelle majorité ?

Mardi 4 janvier, l’examen de la kyrielle d’amendements a repris, séance à nouveau dynamitée et abrégée par les remous suscité par une interview d’Emmanuel Macron dans Le Parisien/Aujourd’hui en France où il déclare « Avoir très envie d’emmerder les non vaccinés »

Les ténors des oppositions semblent avoir de gros soucis de lecture et de compréhension. En effet, le président des Républicains Christian Jacob s’est « refusé à cautionner un texte qui vise à emmerder les Français » alors que Fabien Roussel candidat communiste à la présidentielle s’est faussement interrogé sur le projet de loi « est-il un texte pour plus emmerder, ou moins emmerder les Français ?

Citons la phrase exacte d’Emmanuel Macron parue dans le journal, en réponse à une question sur les non vaccinés qui encombrent les urgences et prennent la place d’autres patients : « C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. Celle-là, comment on la réduit ? On la réduit, pardon de le dire, comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. »

 Ça paraît pourtant clair non ? Le ton est certes (pour une fois) très familier, mais fait référence à la fameuse phrase du président Pompidou « Il faut arrêter d’emmerder les Français ».

 Autant Mme Pécresse m’inquiète sur sa capacité à s’imposer à ses troupes, autant les facultés de lecture et de compréhension de MM Jacob et Roussel me consternent. Finalement, l’effondrement constaté du niveau de lecture et de compréhension dans les écoles françaises n’est peut-être pas si récent que ça ?