Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'observateur Flinois
10 septembre 2021

Cohérence européenne

Vingt ans de présence militaire étrangère en Afghanistan viennent de s’achever fort piteusement ce trente août.

Sans interroger la nécessité ou pas de ce retrait des troupes, il convient cependant de s’interroger sur ses conséquences.

L’invasion de l’Afghanistan, puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, fut décidée en riposte après que le gouvernement  des Talibans ait refusé de livrer Oussama Ben Laden, l’organisateur des attentats du 11 septembre 2001 à New York réfugié sur leur sol. Plus de 3000 personnes avaient péris dans le World Trade Center et le Pentagone

Les USA battirent le rappel des troupes de l’OTAN Leurs alliés traditionnels (Royaume-Uni, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, France, Allemagne, Italie,...) et quelques autres pays (Japon...) répondirent présents, formant une coalition d'une vingtaine de pays, avec des contingents plus ou moins symboliques, l'essentiel de l'effort revenant aux États-Unis. Le succès fut extrêmement rapide : le 13 novembre 2001, les troupes de l'Alliance du Nord, alliées aux Occidentaux, entrent dans Kaboul.

La mission de cette « Force internationale d'assistance et de sécurité » (FIAS) était : « Conduite des opérations militaires dans la zone d'opérations pour aider le Gouvernement de la République islamique d'Afghanistan (GIRoA) dans l'établissement et le maintien d'un environnement sûr et sécurisé avec un engagement total des forces de sécurité nationales afghanes, en vue d'étendre l'autorité et l'influence du gouvernement, de manière à faciliter la reconstruction de l'Afghanistan et de permettre au GIRoA d'exercer sa souveraineté dans tout le pays. »

Ses objectifs étant atteint, cette première mission internationale sous égide de l’ONU fut remplacée le 1er janvier 2015 par la mission « Resolute Support », une mission de formation, de conseil, d'assistance à la lutte anti-terroriste, dirigée par l’Otan. Une quarantaine de pays contribuèrent dont principalement les USA. Notre pays ne participa pas à cette seconde mission, le président François Hollande ayant décidé le rappel de nos soldats, les objectifs étant atteints.

Le président des USA ( Donald Trump, modèle s’il en est de compétence et d’équilibre dans les décisions) signa le 29 février 2020 avec les talibans l'accord de Doha (Qatar), dont le nom officiel est « accord pour la paix en Afghanistan » qui prévoyait le retrait total des troupes américaines et de l’OTAN. Cet accord fut entériné par l’ONU.

Les américains ont négocié cet accord sans jamais vraiment en discuter avec leurs alliés, notamment l’Union Européenne.

Pendant 20 ans, des milliers de milliards de dollars ont été déversés sur l’Afghanistan afin d’implanter artificiellement une démocratie à l’occidentale, former et équiper une armée de 300 000 hommes.

Les services de renseignements américains, dotés de super moyens technologiques et n’hésitant pas à mettre le monde entier sur écoute, avaient déjà failli à prévenir les attentats du 11 septembre 2001 à New York et s’était lourdement fourvoyé sur les armes de destruction massive prétendument détenues par l’Irak. Ils ont été incapables cette fois d’évaluer l’état réel de la pseudo république afghane, ignorant son degré de corruption, l’inexistence de ses forces armées, ainsi que minorant dramatiquement la vitesse probable de la reconquête par les Talibans de l’intégralité du territoire afghan.

Leur incompétence, jointe au dogmatisme des néo conservateurs au pouvoir, a conduit à déstabiliser durablement le Moyen Orient et l’Asie du Sud –Est.

Le président Biden a mis ses alliés devant le fait accompli en décidant un pont aérien précipité pour évacuer, dans l’impréparation totale, les soldats américains et leurs supplétifs afghans. Lors d’une réunion des ministres de la défense de l’OTAN, en février, la délégation américaine avait en effet soutenu qu’elle n’était « pas prête » pour cette discussion [de l’organisation du retrait], qui, finalement, n’aura jamais lieu. Les Européens ne purent que se joindre dans l’improvisation à cette débandade pour évacuer 1 100 soldats allemands, 800 britanniques et 750 italiens, notamment. Triste spectacle.

Il y a quelques temps, le président Macron s’était attiré les foudres de nos alliés, notamment européens en déclarant que « L’OTAN était en état de mort cérébrale ». Qui avait raison ? Qui avait tort ?

Deux chercheurs  du «Center for Strategic and International Studies » (CSIS)  ont déclaré «  La crise afghane ne met pas l’Alliance atlantique (OTAN) en péril, mais elle a toutefois illustré deux facteurs qui pourraient affecter durablement la relation entre l’UE et les États-Unis. Aux Européens, elle a indiqué qu’ils étaient incapables d’infléchir une décision américaine et, dès lors, de défendre leurs propres intérêts. Aux Américains, qui appellent l’UE à en faire plus pour sa propre sécurité et la défense de son voisinage, elle a montré que beaucoup de pays européens manquaient non seulement des capacités nécessaires, mais surtout de la volonté politique de passer à l’action »

Nous en sommes là.

Beaucoup de pays de l’Union Européenne refusent l’idée d’une autonomisation de la politique de défense de l’UE.  Notamment les Pays de l’Est très attachés au parapluie de l’OTAN et à la protection américaine face à Moscou. Cette prise d’autonomie passerait par la constitution d’une force de « projection extérieure permanente » (une armée commune, pour appeler un chat un chat) de 6 à 10 000 hommes capables  par exemple d’aller sécuriser un aéroport en territoire ennemi pour évacuer des ressortissants ou de participer ponctuellement à la traque de djihadistes en Afrique. Ces interventions ne nécessiteraient plus la lente recherche d'une décision à l'unanimité, ni la réussite d'un appel à volontariat qui prend du temps.

La Grande Bretagne a toujours fait capoter l’avancée de ce projet. Elle a quitté l’UE. Les Pays de l’Est, Pologne, Hongrie, Slovaquie etc. freinent des quatre fers. Ces pays sont aussi les plus réticents à appliquer les règles  communes européennes des états de droit et se réclament de « l’illibéralisme » Pourquoi tolérer leur capacité de nuisance sur des projets vitaux communs  alors que l’on est incapable de les forcer à appliquer les règles communes qu'ils ont pourtant accepté ?

Le constat du président Macron  et ses ambitions me paraissent à méditer.

Les USA se désengagent ouvertement de la sphère européenne et se concentrent sur leur lutte contre l’hégémonie politique et économique chinoise. Certes, ils ne veulent pas perdre leur rang de leader  mondial (et les avantages qui vont avec, comme de pouvoir tordre le bras de leurs alliés), mais comme nous ne le contestons pas, autant les aider à contrer la Chine qui ne nous veut pas forcément,  par ailleurs, du bien.

L’Europe présente un potentiel économique supérieur à celui de la Chine ou des USA. Autant assumer cet avantage en s’affirmant comme un interlocuteur de même rang. Il faut en avoir la volonté et surtout avancer dans l’intégration économique, politique et de défense. Cela signifie aussi savoir dépasser les petites querelles de préséance entre États européens et parvenir à casser les mécanismes dépassés permettant le chantage d’Etats pouvant menacer de bloquer, dans un troc malsain, les avancées communes sur des projets vitaux.

Il y a un énorme chantier mais il est urgent de l’entreprendre. Cette puissance de décision et de moyens élargis permettra aussi de renforcer la transition écologique et la lutte contre le réchauffement climatique qui sont les défis déjà à notre porte et devant trouver des solutions maintenant !

Publicité
Publicité
Commentaires
L'observateur Flinois
  • Ce blog n'a pour ambition que de refléter les opinions, remarques et propositions de son auteur. Il est bien sûr inspiré par la vie à Flines-les Râches, où je réside, mais aussi par l'actualité en général.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité