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L'observateur Flinois
16 juillet 2021

Pari électrique

Mardi 29 juin, le président de la République a visité en grande pompe l’usine Georges Besse de Renault à Douai, au prétexte du projet  de construction par le chinois Envision d’une « giga factory », ou, en Français, d’une usine de production de batteries pour véhicules électriques, projet stratégique soutenu par le gouvernement.

La filiale d’Envision, AESC (Automotive Energy Supply Corporation) est l’ancienne division (cédée en 2018) « Batteries électriques » de Nissan, partenaire japonais de Renault. Le projet porte sur une première tranche d’investissement de 2 milliards d’Euros permettant de produire en 2024 9 gigawattheures (GWh, unité de puissance) de batteries par an, pour monter à 24 GWh en 2030. La future R5 électrique Renault va bénéficier des batteries produites à Douai. La création de 1000 emplois est prévue. On parle de potentiellement 2500 postes en 2030.

Le projet s’inscrit dans la stratégie de Renault de créer un pôle Electricity composé des usines de Douai (Georges Besse),  Maubeuge (MCA : Maubeuge Construction Automobile)  et Ruitz (STA Société des Transmissions Automatiques). A l’instant présent Douai produit des Espace, Talisman, Scénic (tous modèles en fin de vie commerciale), Maubeuge des Kangoo à moteurs thermiques ou électriques et des Nissan NV250  et STA des boîtes de vitesses automatiques.

Le président de la République étant présent, tout le gratin politique se devait d’être là : Xavier Bertrand, réélu la veille président de la région Hauts-de-France, Jean-René Lecerf, futur ex président du conseil départemental du Nord, invité par Christian Poiret  son successeur et président de Douaisis Agglo, ainsi que le député, local et les maires concernés…

Un certain nombre prit la parole et tous revendiquèrent leur responsabilité dans cette implantation, qui par son lobbying, qui par son implication financière…

Pour être complet il faut noter que cette future giga-usine est la seconde annoncée en France, et plus particulièrement dans les Hauts-de-France. Elle suit celle de Stellantis et de Total Energies à Douvrin, dans le Pas-de-Calais. L’usine ACC (Automotive Cells Company) de Douvrin fournira d’abord les marques du groupe Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat, etc.) et doit produire 28 GWh d’ici 2030. L’usine doit employer 2 000 salariés.

Dans son édito du Mag de Douaisi Agglo de juillet–août, le président Poiret réitère la mention de l’investissement de 40 million d’Euros pour racheter par le bais de l’Établissement Public Foncier, 150 ha de terrains et de bâtiments industriels autour de l’implantation de Renault Douai. Il fait miroiter en retour 2000 emplois qualifiés créés.

Satisfecit déjà relayé par la mairesse Goupil lors du conseil municipal de Flines le 22 juin qui avait vanté l’action du président de l’agglo, dont elle est une des vice-présidentes, en applaudissant les futurs emplois créés.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ?

Dans la Voix du Nord du 15 juillet, Rodolphe Delaunay, senior vice-président de TMMF (usine Toyota de Onnaing) et président de l’ARIA (Association Régionale de l’Industrie Automobile) tempère l’euphorie locale en déclarant : « Ceux qui font le pari du tout électrique sont ceux qui n’ont pas la possibilité d’innover dans d’autres sources alternatives. Or il existe des pistes peu explorées comme le carburant de synthèse. La voiture de demain sera électrifiée, c’est sûr, mais il ne faut pas fermer la porte aux autres modèles que sont l’hydrogène et bien sûr l’hybride. Le 100% électrique n’est de toute façon pas très vertueux écologiquement puisqu’il relance la filière nucléaire, les centrales à charbon et pose des problèmes de recyclage des batteries »

Simple pique d’un concurrent jaloux ? Pas sûr si on se réfère à l’article du Monde du 9 juillet « L’avenir de Renault sous haute tension »

Les journalistes écrivent  que l’action Renault a connu une des plus forte baisse du CAC 40 immédiatement après la présentation par le groupe de sa stratégie d’électrification, alors que les marchés financiers accueillent généralement avec enthousiasme ce type de présentation.  Ils ajoutent que Renault est en train de payer au prix fort son manque d’anticipation : alors qu’il avait été pionnier dans le véhicule électrique, Calos Ghosn (président) et Thierry Bolloré (directeur général) ne prirent pas le risque il y  a 10 ans de programmer une remplaçante à la Zoé tant le réseau commercial n’en voulait pas. Résultat, la vieillissante Zoé, ex leader, se fait dévorer par les modèles de Volswagen, Peugeot et Telsa.

Ils pensent que l’arrivée de la Mégane électrique en 2022, bien que prometteuse aura fort à faire avec la Tesla 3 vendue à un prix comparable. Pire, ils anticipent que la production de la e-Mégane aura bien du mal à donner suffisamment de travail à une Usine Renault-Douai quasiment à l’arrêt aujourd’hui : 25 000 véhicules devraient être produits en 2021 soit 8% de la capacité de production de l’usine. Il faudra, selon eux, attendre la R5 électrique au mieux en 2024 pour espérer un rebond significatif des ventes.

Enfin ils comparent Renault et Voskwagen. Renault, très affaibli, annonce 10 milliards d’Euro d’investissement dans les 5 ans ; pour la même période, Volskwagen en annonce 73.

Renault disposera en 2024 avec l’usine Envision de Douai de 9 GWh annuels de batteries ;  Volskwagen produira 40 GWh !

Derrière les satisfécits et les promesses politiques ronflantes il y a les conséquences des erreurs commerciales (pas de successeurs à la Zoé)  et des erreurs stratégiques (conflit Renault Nissan) qui ont plombé l’alliance et vidé les caisses. L’enthousiasme pour la création imminente de 2000 emplois dans le Douaisis doit être tempéré

Le Nord a toujours été victime de ses mono cultures industrielles : le textile florissant a décliné ;  l’extraction charbonnière n’a pas survécu au tarissement des ses gisements ;  l’industrie automobile implantée par l’Etat pour suppléer et donner du travail aux nordistes  a largement délocalisé et licencié  massivement. La nouvelle marotte de Douaisis Agglo (et de son président) est la Logisitique.

Intrinsèquement, Textile, Automobile, Logisitique sont des pourvoyeurs de développement et d’emplois pour la population. L’erreur stratégique majeure est de tout miser sur la mono production. Il est pourtant évident qu’il vaut mieux 10 établissements diversifiés de 200 salariés qu’un seul de 2000, fût-il fabricant de batteries.

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