Décodage de propagande

Le premier tour des élections régionales et départementales s’est tenu hier 20 juin.

Régionales

Pour les régionales, deux enseignements. D’abord un énorme soulagement : sauf retournement hautement improbable, le Front National (pourtant repeint pour des raisons marketing en une nuance de bleu marine plus neutre ayant nom « Rassemblement National ») ne dirigera pas les Hauts-de-France. Mieux (ou pire selon le point de vue) la petit entreprise Le Pen perd du terrain par rapport à 2015 et sa cheftaine perd un peu ses nerfs et enguirlande son électorat… motivation à la schlague ?

Deuxièmement, il y aura de nouveau une opposition républicaine à la collectivité régionale, ce qui ne peut qu’améliorer la qualité des débats et tirer l’institution vers le haut.

Bien sûr le niveau record d’absention interpelle et les raisons devraient être analysées. En 2010, Nicolas Sarkozy avait fusionné les conseillers départementaux et régionaux en une seule entité les « Conseillers territoriaux » dont une partie aurait siégé à la fois au Conseil départemental et au conseil Régional. Économie d’échelle, simplification du mille-feuille territorial,  meilleure coordination entre les politiques sociales du département et les politiques économique et de formation professionnelle régionales… beaucoup d’avantages pour les citoyens mais un gros inconvénient pour les élus locaux : diminution de leur nombre. Ces mêmes élus locaux étant grands électeurs pour les sénatoriales, ils manifestèrent leur grogne envers le gouvernement en faisant basculer le Sénat à gauche lors des élections de 2011.

Sitôt élu en 2012, François Hollande envoya un accusé de réception du message aux élus locaux en faisant abroger cette disposition inique qui risquait de retirer les prébendes de certains d’entre eux.

Ces mêmes chefs de parti qui pleurnichaient lors de la soirée électorale en repoussant sur les autres la responsabilité de l’énorme abstention d’hier,  feraient bien de déciller leurs yeux et de regarder la réalité en face : les Français jugent aux actes et ne veulent surtout pas avoir à comprendre et à ménager leurs postures corporatistes et leur plans de carrière. Simplicité et efficience devraient être leur guide d’action pour appliquer leurs idées politiques.

Départementales

Pour les départementales, focus comme promis dans le billet « Roulette russe ou poker menteur » sur le canton de Douai.  L’inénarrable Christian Poiret, en politicien chevronné qu’il est, commet un satisfecit dans la Voix du Nord édition de Douai.

Il déclare : «  Je suis très content. Le petit maire de Lauwin-Planque a fait un score supérieur au maire de Douai qui n’a pas su rassembler dans sa ville. On me donnait perdant face au maire de Douai car la ville-centre représente 62 % du canton. J’ai une marge de manœuvre pour ce second tour. J’ai encore des réserves de voix. Frédéric Chéreau a lui fait le plein. C’est une satisfaction d’être arrivé en tête, la dynamique pour la gagne est là. La semaine sera très animée. »

En préambule, rappelons sa déclaration dans la Voix du Nord du 19 décembre 2020 « Vous serez surpris du score que je vais faire à Douai » qui est passée comme prévu au révélateur des urnes. A Douai intra-muros : Poiret 26% des voix ; Chéreau 43 %. Elle est où (et pour qui) la surprise, Christian ?

Commentons phrase par phrase le satisfecit de Monsieur Poiret.

« Je suis très content » : truisme du politicien chevronné qui se doit d’être toujours optimiste, même à bord du Titanic qui sombre dans la Bérézina.

« Le petit maire de Lauwin-Planque a fait un score supérieur au maire de Douai qui n’a pas su rassembler dans sa ville » : modestie bien inhabituelle et surtout qui sonne faux quand on se souvient des manœuvres du même en tant que président d’une agglomération de 150 000 habitants, n’hésitant pas instrumentaliser celle-ci pour « punir » le vilain maire de Douai qui osait le défier et que l’on sait que le même « petit maire » est 1^er vice-président d’un conseil départemental chapeautant 2 600 000 habitants et  gérant 3,3 milliards d’Euros. Pour le score, sur l’ensemble du canton, le binôme Poiret –Sanchez a engrangé seulement 220 voix de plus que celui Bittner-Chéreau (prime au sortant comprise). A noter que dans Douai,  le tandem Bittner- Chéreau a capté 42,97% des voix contre seulement  26,31% à Poiret-Sanchez. Rappelons qu’en 2015, au premier tour le binôme Poiret-Sanchez déjà avait convaincu 27,56% des Douaisiens soit sensiblement la même proportion ! Vous avez dit dynamique ? Le maire de Douai, dont c’est l’unique mandat, a mis en échec le politicien madré qui dispose des leviers de deux puissants mandats de plus pour entraver les adversaires et se faire mousser.

« J’ai une marge de manœuvre pour ce second tour. J’ai encore des réserves de voix. » Mathématiquement, vu que 55% des électeurs inscrits ne se sont pas déplacés  et que 3831 votants ont choisi des candidats qui ne seront plus là au second tour, il y a un sacré paquet de voix en réserve. Malheureusement pour Christian Poiret, le raisonnement s’applique aussi pour son adversaire qui dispose théoriquement du même réservoir, d’autant plus que les battus du Rassemblement National et de La France Insoumise, n’ont pas donné de consignes de vote pour le second tour.

« Frédéric Chéreau a lui fait le plein. C’est une satisfaction d’être arrivé en tête, la dynamique pour la gagne est là. » Le plein de voix prêté à Frédéric Chéreau relève à la fois de l’assertion non vérifiée, du vœu pieux et du mantra inspiré de la méthode Couet. Il en est de même pour la supposée "dynamique pour la gagne."

« La semaine sera très animée » Ça c’est sûr, on peut y souscrire en confiance !

Samedi prochain à minuit, Christian Poiret pourra dire « Les jeux sont faits, rien de va plus ! » et croiser les doigts.

Est-ce qu’il aura réussi à faire fructifier ses 220 petites voix d’avance ou est-ce que l’usure de ses 20 années de Conseil général puis départemental, les grossières manœuvres du président d’agglo instrumentalisant les Douaisiens pour servir ses ambitions personnelles et surtout la qualité de son adversaire auront raison de son rêve de présider le département du Nord ?