Père Fouettard ?

Edition de Douai de la Voix du Nord du 19 décembre : « Le père Fouettard Christian Poiret châtie le maire de Douai Frédéric Chéreau »

Sous ce titre (d’actualité en cette période de Noël), le journaliste de La Voix relate la guerre des chefs qui s’est déroulée à Douaisis Agglo, dans l’arène virtuelle (Covid-19 oblige) de l’assemblée communautaire. Le président Poiret « a tapé à bras raccourci sur le maire de Douai, Frédéric Chéreau, l’accusant de ne pas avoir l’esprit communautaire, d’être indécis. Tout ça sur fond d’élections départementales. Ambiance »

Quelques déclarations choisies de Christian Poiret à destination de Frédéric Chéreau : «  C’est la majorité qui décide (Ndlr, le groupe Alliance et apparentés et les élus non-inscrits du Menid). Vous méprisez les communes. Aujourd’hui, vous êtes dans la minorité. Nous, on décide avec les maires »

À propos des futures élections des conseillers départementaux : « On se verra le soir du second tour. Si vous y êtes. Je dirai ce que vous n’avez pas fait à Douai. Vous ne ferez pas le voyage pour rien » et « Vous serez surpris du score que je vais faire à Douai. Les gens vous attendent sur le commerce »

Le détonateur a été l’étonnement du maire de Douai sur l’absence d’une délibération sur l’Opération programmée d’amélioration de l’habitat-renouvellement urbain (OPAH-RU) de Douai. Réponse lapidaire du président : « Je ne suis pas sûr que l’agglomération ira sur cette opération. » Pour Frédéric Chéreau, le lien avec sa probable candidature aux élections départementales sur le canton de Douai lui vaut « cette mesure de rétorsion un peu féodale »

Mêmes fanfaronnades du président de l’Agglo sur le pôle gare où  il voudrait raser le bâtiment SERNAM que le maire de Douai veut réutiliser. Conclusion, le parc d’activités EuraDouai se fera à l’arrière de la gare car « l’agglo ne maîtrise pas le foncier devant ». Pour y faire « du développement économique ». À savoir des bureaux, des hôtels…

Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage !

Remettons un peu de perspective et de rigueur dans cette exhibition rapportée par le journal, qui s'apparente à un concours de récréation de maternelle où les bambins essaient de départager celui dont la miction montera le plus haut sur le mur de la pissotière !

Christian Poiret a lui-même fait voler en éclat la manière consensuelle de travailler à l’Agglo, sans doute effrayé par la montée en puissance du maire de la ville centre, réélu  et avançant tranquillement des revendications de représentativité. Le président sortant en a pris ombrage et a entrepris une mesquine campagne de démolition systématique (Cf. billet « L'exécutif 2020-2026 de Douaisis Agglo » du 20 septembre 2020). Il a trouvé des complices pour l’aider : soit des battus [Freddy  Kaczmarek (Auby),  Jacques Michon (Waziers), François Guiffard (Douai)], soit des opportunistes [Annie Goupil (Flines)]

Sa position œcuménique, « travailler pour les communes » se révèle être un leurre. Poiret affiche ouvertement son mépris pour le choix majoritaire des Douaisiens et assume cyniquement de s’appuyer sur la majorité à sa main pour leurs imposer ses vues. « Nous on décide ! » Beau brevet de démocrate, Monsieur Poiret !

Bien sûr, une éventuelle candidature victorieuse de Frédéric Chéreau aux élections départementales de juin 2021 dans le canton de Douai serait une catastrophe pour Christian Poiret : en cas de reconduction (vraisemblable) de la majorité de droite dans le département  et si Poiret était réélu, il deviendrait le président du Conseil départemental du Nord. Le couronnement d’une carrière politique qui aurait vu le maire d’une petite commune de 1680 habitants se propulser à la tête d’une agglomération de 150 000 âmes pour finir au pilotage d’un département de plus de 2,6 millions d’habitants ! S’il n’était pas réélu... « Adieu veaux, vaches, cochons… »

On comprend l’inquiétude de Monsieur Poiret et objectivement… il a raison de se méfier.

Ses rodomontades, destinées à humilier Frédéric Chéreau doivent être passées au révélateur du « Fake checking »

Bien sûr, à Lauwin-Planque il n’y a pas eu de liste d’opposition aux élections municipales de 2020. L’analyse des scores montre pourtant qu’il y a loin d’un plébiscite. En mars 2020, seuls 458  électeurs se sont déplacés et 382 (soit 29% des Lauwinois inscrits) ont glissé le bulletin "Poiret" dans l’urne. Soutien massif ou indifférence ? Pierre Corneille faisait dire au Cid dans la tragédie éponyme : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! » A méditer,... en toute modestie.

De même, aux départementales de 2015, dans le canton de Douai, le binôme Poiret-Sanchez n’a recueilli que 32,85 % des exprimés au premier tour. Vraiment pas de quoi clamer « Vous serez surpris du score que je vais faire à Douai » ? Le surpris ne sera peut-être pas celui qu'il croit.

Les nuages s’accumulent pourtant sur la gestion communautaire de Christian Poiret, comme autant de menaces.

A son crédit :

La construction du centre aquatique communautaire Sourcéane ; la réhabilitation de la base de loisirs Loisiparc.

Déjà passés au débit :

Le musée Arkéos dont la fréquentation n’est pas à la hauteur de l’argent investi (28 000 visiteurs en 2018 à comparer aux 150 000 visiteurs du Centre historique minier de Lewarde la même année).

La préemption de bonnes terres agricoles pour réaliser des zones d’activités économiques. Les agriculteurs dénoncent le manque de concertation de l’agglo  et mettent en doute le bien-fondé de ces expropriations (le SCoT [Schéma de Cohérence Territoriale]  de 2015 concluait que « la nécessité d’ouvrir de nouvelles zones n’est pas démontrée » ; la révision du SCoT, approuvée en 2020, préconise « exploiter le foncier disponible des zones d’activités existantes » et « procéder à une extension foncière modérée pour se donner la liberté d’accueillir des projets d’investissement présentant un intérêt majeur » tout en « préservant les terres agricoles »

Candidats potentiels au débit :

Le boulodrome du Raquet à Sin-le-Noble : 192 pistes (128 extérieures et 64 intérieures), 9 millions d’Euros.

Le planétarium à côté d’Arkéos à Râches, le plus moderne au nord de Paris, 7 millions d’Euros. Deux équipements existent déjà : le planétarium de Villeneuve d’Ascq (dont la modernisation a été abandonnée lors du changement de majorité au conseil départemental en 2015, Christian Poiret étant devenu à cette date 1^er vice-président) et celui de Cappelle-la-Grande.

L’obsession du développement économique à tout prix, y compris dans le bas de gamme (monoactivité Logistique).

Le SCoT note que l’Automobile et la Logistique sont des secteurs matures, avec un fort risque de robotisation pour diminuer les coûts d’exploitation et donc une menace potentielle de suppression à termes d’emplois. Une explosion du nombre de demandeurs d’emplois peu qualifiés est à craindre. (Cf. billet « AMAZON » du 6 décembre)

Dernier exemple : dans l’article « Père Fouettard » Christian Poiret affirme vouloir développer le parc d’activités EuraDouai à l’arrière de la gare pour y faire « du développement économique ». À savoir des bureaux, des hôtels…

Une mutation extrêmement rapide et drastique du monde du travail est en train de s’opérer à cause de la pandémie du Covid-19 : développement à marche forcée du télétravail qui va induire une décroissance des besoins en surface de bureaux ; développement des visio-conférences dont va résulter mécaniquement une diminution des déplacements professionnel et des nuitées hôtelières. Faute d’intégrer ce changement de paradigme, les investissements risquent d’être à contretemps.

La véhémence de Christian Poiret et ses manœuvres d’intimidation peuvent être interprétées comme des signes de grande nervosité et la manifestation d’un début de crainte de voir le Graal tant convoité s’éloigner (présidence du Conseil départemental du Nord). Le match de juin 2021 sera à d’autant plus intéressant à analyser dans le canton de Douai. D’ici là il faudra observer avec attention les agissements du président de Douaisis Agglo qui seront certainement intéressants à décortiquer.