Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'observateur Flinois
17 novembre 2019

Précarité étudiante

Un fait divers atroce a révélé un aspect plutôt méconnu de la condition étudiante : une partie non négligeable d’étudiants serait en situation financière très difficile ce qui compromet l’égalité de leurs chances à suivre et réussir leurs cursus.

Les médias se sont bien sûr emparés du sujet et je vais donner un point de vue (le mien) sur ce que m’inspirent les commentaires

Premier cas

Vendredi 8 novembre un étudiant en deuxième année de licence « Sciences Politiques » à l’université de Lyon 2 s’est immolé par le feu devant l’antenne du CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Lyon.

Sur Facebook il annonçait son geste, ses motifs et désignait les coupables : ayant échoué pour la deuxième fois aux examens de la deuxième année de licence (ex DEUG 2), il était inscrit pour une troisième tentative. Sa bourse d’études de 450 € mensuels et sa chambre en résidence universitaire lui avaient été supprimées et il ne pouvait pas se payer un appartement. Il développait également une anxiété sur le futur des retraites et le chômage de masse. Il ajoutait : « Je reprends donc une revendication de ma fédération de syndicat aujourd’hui, avec le salaire étudiant et d’un manière plus générale avec le salaire à vie, pour qu’on ne perde pas notre vie à la gagner. Passons aux 32h de travail par semaine pour ne plus avoir d’incertitudes… » ll terminait par « J’accuse Macron, Hollande, Sarkozy et l’UE de m’avoir tué »

Ce fait divers commis pour dénoncer la précarité qui touche certains étudiants est atroce et ne devrait pas exister.

Les syndicats étudiants se mobilisent et un autre fait divers s’est produit mardi 12 novembre à l’université de Lille. François Hollande, ancien président de la République devait donner une conférence. Les manifestants qui bloquaient l’entrée de l’université depuis le matin, ont réussi à pénétrer dans l’amphithéâtre, empêchant la conférence et déchiquetant ou souillant 450 exemplaires du dernier livre de Hollande. Ces livres avaient été approvisionnés par deux petites librairies indépendantes pour la vente aux spectateurs. Les deux libraires se trouvent du coup en difficulté avec un préjudice de plus de 6000 €

Le syndicat Solidaires Etudiant-e-s de Lille reconnaît que « Déchirer des livres ce n’est pas quelque chose à faire. Surtout que ça concerne une librairie indépendante. C’est une erreur, on l’assume. Mais on ne se désolidarise de rien »

Pour terminer de planter le décor, puisons quelques éléments dans un article paru sur nouvelobs.com du 12 novembre qui décrit « un jeune homme« très impliqué au sein des instances de l’établissement ». Secrétaire fédéral du syndicat Solidaires Etudiant-e-s où il y est décrit comme un « pilier », il siège également au conseil de sa faculté et à la commission de la formation et la vie universitaire. Sa ligne directrice, résumée par Laetitia, sa compagne depuis un an : le « syndicalisme révolutionnaire »… 

« Il s’investit dans son syndicat, particulièrement ces deux dernières années, et se bat contre la réforme de Parcoursup, contre la hausse des droits d’inscriptions pour les étudiants étrangers et pour l’accueil des migrants. Selon une camarade témoignant auprès du « Monde », Anas K. était même présent « à toutes les réunions » de la semaine passée. »…

« Pourtant, selon certains de ses amis, le jeune homme était en « très grande précarité ». Les premières années de sa licence, il avait vécu chez ses parents à Saint-Etienne, où il faisait quotidiennement des trajets jusqu’à sa fac de Lyon. Puis, il avait emménagé à la résidence étudiante Jean-Mermoz l’an dernier, comme le rapporte « le Monde ». Ses études d’un côté et son engagement syndical de l’autre l’empêchent de prendre un job en parallèle.

« Pour un professeur, bien qu’il ait eu « du mal pour les examens », il était impliqué « dans son travail ». Mais les problèmes s’enchaînent : en « triplant » son année, il a perdu sa bourse ainsi que son logement en résidence, explique Lyon 2. »

Deuxième cas

Au journal télévisé de France 2, présentation de la situation d’une jeune étudiante en japonais de 19 ans qui ne disposait pas de suffisamment de ressources pour louer un logement et était de ce fait hébergée à tour de rôle par des amis étudiants. Elle avouait son angoisse et dénonçait le peu de commodité de ses conditions d’étude. Elle ajoutait ne bénéficier que de 170 € de bourses universitaires et que ses parents ne pouvaient la dépanner que de 30 à 50 € par mois, ce qui lui donnait un budget extrêmement contrait, même pour se nourrir

 Mes commentaires sur ces présentations.

Sans minimiser les problèmes de précarité qui touchent certains étudiants et en regrettant surtout qu’un jeune homme soit entre la vie et la mort à cause de soucis pécuniaires, je trouve cependant que « Solidaires Etudiant-e-s » est outrancier et sélectif dans ses accusations.

Ses militants participent à la destruction de bouquins à Lille 2, (geste particulièrement idiots et incompréhensible de la part d’étudiants !) mettant (pour l’anecdote) en difficulté des petites librairies indépendantes

Ce syndicat jette l’opprobre sur le « système », mélangeant allégrement des revendications syndicales et des revendications de politique générale, mais après tout c’est son droit, même si le message est un peu confus.

Il s’exonère par contre bien rapidement de toute part de responsabilité dans la situation d'Anas K., cet étudiant entre la vie et la mort. D’après les responsables de l’Université de Lyon  il était assidu aux cours mais a raté cependant 2 fois consécutivement les examens de deuxième année. Par ailleurs, toutes les sources soulignent son engagement syndical et sa présence sur tous les fronts. On peut supposer que cet ultra militantisme l’empêchait d’avoir un job étudiant et apparemment aussi de  préparer correctement ses partiels. Quatre ans après la première inscription à la fac être toujours en deuxième année est-ce normal ?

Ses camarades syndicaux étaient-ils aveuglés par leur propre militantisme passionné pour ne pas avoir perçu le risque inconsidéré que ce compagnon prenait quant à son propre avenir ? On peut à mon sens faire un parallèle entre « l’exploitation des étudiants par la Bourgeoisie », dénoncée, et « l’exploitation inconsciente par Solidaire Etudiant-e-s des militants », non évoquée.

 

Concernant la jeune étudiante en japonais, elle déclare percevoir 170 € par mois de bourses et être « dépannée » de 30 à 50 € par sa famille.

A première vue, encore un cas de précarité qui doit faire honte à la Nation… sauf qu’il faut lire les conditions d’attribution des bourses sur critères sociaux.

Circulaire n° 2018-079 du 25-6-2018 : modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, des aides au mérite et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2018-2019.

« La bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux est accordée à l'étudiant confronté à des difficultés matérielles ne lui permettant pas d'entreprendre ou de poursuivre des études supérieures../… Elle constitue une aide complémentaire à celle de la famille…/.. À ce titre, elle ne peut se substituer à l'obligation alimentaire telle que définie par les dispositions des articles 203 et 371-2 du Code civil qui imposent aux parents d'assurer l'entretien de leurs enfants, même majeurs, tant que ces derniers ne sont pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins »

Les critères pour calculer le montant alloué sont un peu complexes et combinent deux paramètres d’entrée définis dans l’arrêté du 19 juillet 2018 fixant les plafonds de ressources relatifs aux bourses d'enseignement supérieur pour l'année universitaire 2018-2019 et la circulaire  d’application. Il est tenu compte des ressources de l’étudiant ou de son foyer fiscal de rattachement ainsi que de « points de charges » tels que éloignement entre le domicile familial et l’université  ou encore les autres enfants à charge de la famille, autre que le boursier.

Dans le barème on constate que la somme de 170 € mensuels avoués par cette jeune fille japonisante correspond à une bourse d’échelon 1 (1669 € versés en 10 mois) alors qu’il y a 7 échelons (échelon 7 : 5551 € versés en 10 mois).

Les revenus du foyer fiscal de l’étudiante en question sont assez élevés par rapport aux points de charges : les parents de cette étudiante devraient  pouvoir assumer leur obligation alimentaire au-delà d’un dépannage de 30 à 50 € par mois. Il apparaît clairement qu’ils ont coupés les vivres de cette pauvre jeune fille : est-ce à l’Etat à compenser ce grave manquement de parents indignes ?

Si les journalistes de France 2 avaient choisis un autre angle que "l’émotionnel", ils auraient pu utilement conseiller à cette étudiante de faire respecter l’obligation alimentaire jusqu’à 25 ans prévue dans le Code Civil. C’est certes moins vendeur pour un reportage mais plus utile pour cette toute jeune fille qui démarre bien mal dans la vie.

Publicité
Publicité
Commentaires
L'observateur Flinois
  • Ce blog n'a pour ambition que de refléter les opinions, remarques et propositions de son auteur. Il est bien sûr inspiré par la vie à Flines-les Râches, où je réside, mais aussi par l'actualité en général.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité